En cette rentrée littéraire, Paul Lynch fait son retour en librairie avec La Neige noire, chez Albin Michel. C’est pour nous l’occasion de revenir sur son premier roman, paru l’année passée en grand format, et cette année en poche : Un ciel rouge, le matin.
Paul Lynch situe son action en 1832 en Irlande, puis aux Etats-Unis. Coll Coyle est un métayer irlandais qui a eu le malheur de déplaire au seigneur local, à l’heure où celui-ci était tout-puissant et pouvait ruiner la vie de ses employés sur un caprice. Coll apprend qu’il va être expulsé, alors qu’il a un enfant en bas âge, et que sa femme est enceinte. Il décide, contre l’avis de ses proches, d’aller s’expliquer avec Hamilton, le fils du propriétaire terrien, mais la confrontation se passe mal, le fils est insultant, et Coll voit rouge, il frappe. Hamilton chute, et se tue. Voilà Coll avec du sang sur les mains, et l’homme de main du domaine, Faller, sur les trousses.
Faller est un véritable bouledogue : il ne lâche jamais rien, et n’hésite pas à avoir recours à la violence. Il sait se montrer par ailleurs particulièrement imaginatif en la matière. Coll devient son obsession. Là où tout autre aurait abandonné sa traque au bout de quelques jours, Faller, lui, poursuivra Coll jusqu’en Amérique.
Le roman de Paul Lynch peut se diviser en trois parties : l’Irlande, pluvieuse et maussade, le bateau, bondé et nauséabond, et enfin, l’Amérique, illusoire terre des possibles.
Quelques années avant la vague d’immigration massive irlandaise liée au potato blight, Coll quitte donc l’Irlande pour les Etats-Unis, alors en pleine expansion. En Irlande, les perspectives de Coll sont bouchées : le voilà désormais sans foyer, sans travail. En restant, il met de surcroît sa famille en danger. Pourtant, l’immigration est loin d’être la solution la plus satisfaisante, puisqu’il laisse derrière lui sa femme enceinte et sa fille. Cependant, ses poursuivants ne lui laissent pas vraiment le choix. Coll embarque donc pour une nouvelle vie.
Le voyage transatlantique, de nos jours, est d’une rapidité impressionnante : en huit heures, on rallie quotidiennement New York au départ de Paris. Mais en 1832, un voyage transatlantique se compte en semaines et les voyageurs s’entassent dans des dortoirs bondés, où la promiscuité favorise l’émergence de maladies. La traversée de Coll ne fera pas exception. Paul Lynch nous décrit très précisément les cabines qui empestent d’autant plus que la plupart des passagers ont le mal de mer, les morts que l’on jette par dessus bord avec une prière sommaire, leurs affaires que les survivants se disputent. Traverser l’Atlantique, c’était alors assurément risquer sa vie : les tempêtes, le typhus et le choléra pouvaient aisément décimer tout un navire. Paul Lynch consacre de nombreuses pages à cette traversée de l’horreur, où Coll fera tout de même l’expérience de la complicité : Cutter, rencontré juste avant le début de la traversée, deviendra un allié solide.
Puis Coll met enfin pied à terre, en Amérique, il découvre une terre hostile, bien loin de l’image que l’on se fait du pays de l’American Dream. Embrigadé dès la sortie du bateau, Coll participe à la construction du chemin de fer de Pennsylvanie, dans des conditions de travail très difficiles. Les hommes triment comme des forçats, mais ils sont bien loin de s’enrichir comme ils en rêvaient. La réalité ? Le contremaître les tient avec du whisky à foison, et quelques prostituées de temps en temps. En attendant, les hommes travaillent dur tout le jour, six jours sur sept, dans des conditions dangereuses. La situation ne convient à Coll que faute de mieux : son pays lui manque, il peine à se sentir chez lui dans ce pays tout neuf, en pleine construction.
Paul Lynch nous livre un roman âpre, qui, sous la forme d’une course-poursuite sans concession, nous parle surtout de l’importance de la terre pour les hommes. Coll ne rêve que de revenir chez lui, retrouver l’Irlande et sa famille. Les circonstances l’ont pourtant poussé à découvrir un nouveau continent, dont les promesses tournent bien vite court. C’est un premier roman fort et intense, qui ne ménage pas ses personnages.
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