ROMAN – Antoine Choplin n’est plus un débutant. En 2012, il avait notamment fait sensation avec son roman La Nuit tombée, obtenant au passage le prix France Télévisions. Le voilà de retour en librairie en cette rentrée littéraire avec Une forêt d’arbres creux, un court roman très touchant qui nous transporte à Terezin, en République Tchèque, en décembre 1941.
La guerre fait rage en Europe. Le personnage principal, Bedrich, arrive dans une ville-guetto, sur le chemin d’Auschwitz, avec dans ses bagages sa femme et son fils, encore tout petit. Il rejoint le bureau des dessins, qu’il doit diriger. Mais leur mission, dessiner les plans d’un crématorium, est difficile à réaliser. La journée, pourtant, il faut bien essayer encore et encore, en tâchant de se concentrer. Mais la nuit, les hommes se rassemblent et jettent sur le papier leur quotidien, le dortoir où s’entassent bien trop d’hommes, la faim qui tenaille l’estomac, l’angoisse qui serre le cœur. Enfin libres, ils dessinent comme pour exorciser une réalité où, par leur travail, ils participent malgré eux aux projets odieux du Reich. Ils dessinent pour témoigner, pour laisser une trace de ce qui a été.
Antoine Choplin nous livre un récit tout en discrétion, et en pudeur. Il n’a pas besoin de fioritures stylistiques pour nous faire comprendre le quotidien douloureux de Terezin. Les journées de travail qui se ressemblent toutes, la séparation d’avec les proches, la faim (on se souviendra de cette scène terriblement visuelle, où l’on observe un homme se ruer malgré lui sur un des bocaux de nourriture qu’il a reçu, de manière quasiment bestiale), la peur de l’avenir sont admirablement rendus. C’est un roman tout en sobriété, servi par une écriture délicate, et poétique. Les scènes s’imposent dans votre esprit, et l’émotion peut vous saisir par surprise au détour d’une page.
C’est une véritable ode à l’art, et à sa fonction libératrice. Le bureau des dessins apparaît comme une parenthèse : en mettant sur papier la réalité de Terezin, Bedrich et ses camarades parviennent à s’évader quelques instants… C’est un acte de résistance, qui les met tous en danger, mais un acte nécessaire. Ces croquis, ces dessins, réalisés nuit après nuit content l’Histoire, tout simplement. Un roman beau et terrible à la fois.
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