ROMAN ANGLAIS — C’est une série de livres qui a fait peu à peu son chemin en librairie et dans le coeur des lecteurs : la saga des Cazalet, en quelques tomes, a réussi à s’imposer comme un successeur à Downton Abbey ! Comme la célèbre série, la saga nous plonge dans le quotidien privilégié des heureux du monde : portrait d’un premier tome assez étonnant…
À l’été 1937 puis 1938, comme chaque année, les Cazalet, une famille aisée de la bourgeoisie britannique, se réunissent dans leur maison de vacances : si la période des congés est propice à l’insouciance, une inquiétude commence à peser sur les adultes et les adolescents de la famille. Une nouvelle guerre ne couverait-elle pas en Europe ?
Ce qui frappe de prime abord avec ce roman, c’est l’incroyable sens visuel de l’écriture, qui, en quelques lignes, nous propulsent dans une matinée d’été, radieuse et ensoleillée. L’exploit, alors que j’ai lu ce roman pendant les frimas de février, n’est pas mince. L’autrice a un talent incroyable pour brosser en quelques mots une atmosphère : la résidence secondaire des Cazalet s’impose aisément à l’esprit, de même que les personnages eux-mêmes. Il faut dire que Elizabeth Jane Howard a un don particulier pour saisir le quotidien sur le vif : le roman consiste en une succession de scènes de la vie de tous les jours, d’apparence insignifiantes qui, mises bouts à bouts, dressent le portrait d’une famille qui vit ses derniers moments avant de basculer dans la guerre. Cette immense force du roman, qui permet d’extraire du trivial l’essence même d’une époque, est aussi sa plus grande faiblesse : l’action n’est pas au rendez-vous, et le rythme est très lent, un peu désuet, à la manière de l’indolence estivale. Les journées sont chaudes et lourdes, il ne se passe pas grand chose : certains lecteurs seront peut-être tentés de s’arrêter en chemin, malgré la présence, de temps en temps, de scènes véritablement prenantes, voire terribles.
De fait, le roman se lit lentement, paisiblement, poussant le lecteur à suivre le rythme du récit : on ne s’affole pas, on déguste les pages une par une, sans être tenter de les survoler. N’est-ce pas agréable, de temps en temps, de se poser un peu, dans un monde où les sollicitations sont constantes et où on fait tout vite ? Très certainement. C’est pour cela que, en dépit de ce sentiment persistant de « il ne se passe pas grand chose », j’ai aimé ma lecture. L’autrice parvient à écrire des scènes en apparence banales et gentillettes, derrière lesquelles elle cache des choses plus profondes, plus acérées : la guerre, bien sûr, mais aussi le quotidien des femmes et leur manque de liberté, le viol, le harcèlement scolaire, l’inceste… Le roman est de fait étonnant et remarquablement bien construit. On ne lira pas tout de suite le deuxième volume, mais il finira assurément dans notre bibliothèque.
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