ROMAN (D)ÉTONNANT — Comment s’en mettre plein les poches en Asie mutante : avouez que ce titre évoque davantage le livre de développement personnel, le manuel de conseils que le roman, le récit de fiction. Mohsin Hamid, l’auteur, en a bien conscience, et a même veillé à découper son roman en chapitres dont les titres sont encore une fois équivoques : « apprendre d’un maître », « se concentrer sur l’essentiel » ou encore « avoir une stratégie de repli ». A chaque nouvelle partie qui commence, il rappelle également ce que nous sommes en droit d’attendre d’un livre de développement personnel… sans pour autant tenir lesdites promesses ! Autre particularité du roman, il est écrit à la deuxième personnel du singulier, ce qui nous permet de nous identifier encore plus facilement au personnage principal.
Lequel héros est né dans un village quelconque de la campagne indienne, ou peut-être pakistanaise : l’auteur veille bien à l’anonymat des personnages comme des lieux, toujours dans la volonté de favoriser l’identification du lecteur. Il nous raconte toute la vie de ce personnage ambitieux, de son arrivée à la ville alors qu’il est encore enfant à sa mort bien des décennies après, après avoir fait fortune. Comment notre petit bonhomme déshérité est-il devenu riche ? Mohsin Hamid vous détaille tout point par point, avec beaucoup d’humour.
En effet, le style de Mohsin Hamid, vif, enlevé et légèrement irrévérencieux, apporte beaucoup d’humour à ce faux manuel de développement personnel, à cette biographie romanesque qui ne dit pas son nom. La tentation de rire est fréquente mais le récit ne verse pas que dans la comédie : il est parfois triste, quand il évoque la maladie, le deuil ou l’éloignement entre les êtres. A l’image de la vie en règle générale, probablement.
Ce court roman se lit donc à vitesse grand V, et avec énormément de plaisir : un style aussi maîtrisé, aussi drôle que pragmatique, peut suffire à faire tout l’attrait d’un roman. S’y ajoute une histoire qui, sous un titre plutôt cynique, s’avère touchante et humaine, bien que parfois un peu déprimante. Mohsin Hamid dessine en effet en toile de fond un quotidien fait de coupures d’électricité aléatoires, d’eau contaminée, de pauvreté criante côtoyant une richesse outrageante, d’injustices… Un monde d’on ne peut triompher que grâce à la violence et à la corruption. Déprimant, effectivement, mais probablement réaliste.
Comment s’en mettre plein les poches en Asie mutante est une expérience de lecture en soi, qu’on ne peut que vous inviter à découvrir par vous-même !
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