ROMAN AMÉRICAIN — En trois romans, Dinaw Mengestu s’est imposé comme une des nouvelles voix de la littérature étasunienne. Un de ses thèmes de prédilection est l’immigration africaine aux États-Unis, thème éminemment personnel. Dans Tous nos noms, paru en France en 2015, Dinaw Mengestu donne voix à deux personnages, sur deux continents différents. Le premier, Isaac, est aux premières loges d’une révolution en Afrique. Le second s’appelle Helen : elle est assistante sociale dans le Midwest, et va tomber amoureuse d’Isaac.
Comme on peut l’imaginer, les deux récits qui forment Tous nos noms sont très différents, mais ils parlent tous deux de la difficulté de trouver sa place. Isaac cherche un sens à sa vie, à faire partie d’un tout. Il se laisse embarquer dans une révolution qui le dépasse, pour plaire au véritable Isaac, dont il prend l’identité en quittant l’Afrique. C’est en Amérique qu’Helen le rencontre : chargée de l’aider à s’intégrer, elle tombe rapidement sous son charme. Mais nous sommes dans une Amérique à peine déségrégationnée, qui voit d’un mauvais oeil l’émergence d’un couple mixte. Helen est peut-être un peu naïve, mais elle s’en rend bien vite compte, lorsqu’elle assiste à des scènes du racisme ordinaire : un déjeuner dans un diner où l’on fait comprendre à Isaac qu’il n’est pas le bienvenu suffit à lui faire prendre conscience d’une réalité terrible, qui n’avait pas échappé à Isaac, pourtant encore peu au fait des questions de droits civiques aux États-Unis. Au delà de cela, Helen essaie de trouver sa place, d’être une femme moderne, d’échapper au destin de vieille fille vivant avec sa mère qui semble se dessiner pour elle.
Tous nos noms n’est pas le meilleur roman de Dinaw Mengestu, qui nous avait charmés par la puissance et l’émotion qui se dégageaient de ses deux premiers romans, tous deux excellents. Il s’agit pourtant d’un très bon roman, sachant toucher la corde sensible quand il le faut, sans jamais surenchérir dans le pathos ou la violence inutiles. Dinaw Mengestu maîtrise absolument tous les aspects de son roman et montre une nouvelle fois qu’il est un écrivain à suivre : la tension montre progressivement, au rythme idéal, et le récit se déroule sans heurts, servi par une écriture toujours aussi délicate. Nous avons déjà hâte de découvrir le prochain roman de Dinaw Mengestu, qui, rappelons-le, sera présent à Millepages le 13 mai à l’occasion de l’anniversaire de la collection qui l’accueille en France, Terres d’Amérique.
Un roman qui pourrait me plaire mais je pense d’abord découvrir un autre de ses romans.