Un roman féministe : Boston Girl

Boston Girl, Anita Diamant

MASSACHUSETTS — En 1985, une adolescente demande à sa grand-mère de lui raconter comment elle est devenue la femme qu’elle est aujourd’hui. Alors qu’elle tente de répondre à cette question aussi vaste qu’épineuse, Addie Baum se replonge dans ses souvenirs. Née en 1900 de parents immigrés très pauvres, Addie a tenté dès l’adolescence de s’émanciper de cette famille ultra religieuse et exigeante : ce destin hors-norme fait l’objet d’un roman féministe et enthousiaste, qui brasse pourtant des périodes très sombres comme la Grande Guerre ou l’épidémie de grippe espagnole.

L’histoire d’Addie commence en Pologne quand, à la fin du XIXe siècle, ses parents décident de quitter leur vie misérable pour tenter leur chance dans le nouveau monde. Embarquant leurs deux filles, Celia et Betty, ils posent leurs valises à Boston. En 1900 naît Addie, seule fille de la fratrie née sur le sol américain. Elle grandit dans la religion juive, auprès d’une mère intransigeante et sévère et d’un père très religieux : dès qu’elle le pourra, elle tentera de suivre son propre chemin. Car Addie a une chance que ses soeurs n’ont pas eue, elles qui ont dû travailler dès l’enfance, sitôt arrivées aux États-Unis : elle a pu suivre une scolarité à peu près régulière. Son destin bascule lors qu’elle rejoint un club de lecture pour filles : c’est là qu’elle se fera des relations qui vont la marquer toute sa vie durant…

Ode à l’amitié et au volontarisme à l’américaine, Boston Girl est un roman historique intéressant et bien tourné, qui nous plonge dans l’histoire d’une jeune fille née avec le siècle. Rejetant les conventions de l’époque, et traçant sa propre route, Addie fait le choix de l’éducation, de la liberté et de l’ambition : ainsi, elle n’hésitera pas à fuguer pour rejoindre un camps d’été pour jeune fille, et plus tard, connaîtra même l’effervescence d’une salle de rédaction en devant brièvement journaliste. Même si elle finit par retrouver un schéma plus conventionnel, Addie restera dans nos esprits cette jeune fille qui ose, en opposition avec ses parents.

Mais Addie n’a pas été la seule de sa fratrie à oser rêver d’un avenir différent : première née de la famille, Betty est son aînée de près de quinze ans. Emancipée, et moderne, Betty est fustigée par ses parents pour ses moeurs en contradiction avec les désirs de leur mère, qui n’hésite pas à la désigner sous des termes peu amènes : Betty la putain, la fille dont on ne doit pas prononcer le nom. Pourtant, Betty est le premier modèle de réussite que rencontre Addie, celle qui s’avère un véritable modèle d’intégration. Betty est cette soeur qui a appris l’anglais au plus vite, qui a même décroché un emploi de vendeuse dans un grand magasin qui, d’ordinaire, n’embauche que de « vraies américaines » et qui a pu quitter la maison quand Addie était encore enfant. Betty et Addie sont chacune à leur manière des modèles de courage et de modernité, à l’aube d’un siècle de bouleversements.

Boston Girl est donc un roman résolument féministe, au background historique fascinant. Anita Diamant donne vie aux années 10, 20 et 30 avec beaucoup de talent en brossant un quotidien qui nous paraît à la fois très proche et très lointain. Une jolie découverte !

Boston Girl, Anita Diamant. Hugo roman, 2016. Traduit de l’anglais par Sarah Dali.

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.