ROMAN ADO — Après avoir été documentaliste et en charge d’ateliers à destination d’enfants en difficulté, Marie Leymarie écrit et traduit des romans pour la jeunesse, souvent centrés sur la vie quotidienne, la famille, la relation à soi et aux autres. Sous couvert de récit d’anticipation, c’est exactement ce dont parle Les Effets du hasard !
Maïa a les cheveux châtains, les yeux noisette et un QI de 117. Exactement ce qu’avaient choisi, quinze ans plus tôt, ses parents sur le catalogue de Best Children Ever, la société qui fabrique, commercialise et livre les bébés. Maïa vit donc dans une société idéale : la procréation n’est pas laissée au hasard et les parents peuvent choisir leurs bébés sur critères – sachant que la beauté et l’intelligence se payent au prix fort ! D’ailleurs, on se marie suivant les compatibilités de profils des uns et des autres, ce qui garantit des unions stables et durables.
Un soir, Maïa est abordée par Anthony, un garçon aux yeux verts avec qui elle partage un cours au lycée. Elle accepte de prendre un verre avec lui, mais Anthony lui semble bien trop intelligent et pétri d’idéaux pour elle. Pourtant, peu à peu, elle s’attache à lui. Elle sait que ce n’est pas bon signe. Tout le monde sait que l’amour n’est qu’une maladie bénigne de l’adolescence. Au pire, elle devra prendre du Deluvio 300, le médicament que l’on donne aux adolescents en plein émoi, afin de les protéger des vicissitudes de l’amour et leur garantir, à l’avenir, une vie stable.
L’ennui, c’est que Maïa pourrait bien apprécier les affres de l’amour… et ne pas vouloir ingérer de Deluvio 300.
La rencontre avec Anthony va ouvrir les yeux de Maïa sur ce qui est réellement en jeu dans sa famille. Elle met enfin des mots sur le mal-être qui la tenaille : malgré son QI de 117, elle ne se sent pas à la hauteur. D’autant moins lorsqu’elle s’aperçoit que ses parents veulent acheter un petit frère, qu’ils choisissent avec un QI nettement supérieur au sien. Cela ne veut-il pas dire qu’elle les a cruellement déçus ? Qu’ils préfèreront cet enfant ? Question que, soit dit en passant, peuvent se poser tous les enfants du monde en attente d’un petit frère ou d’une petite sœur. Avec, ici, le spectre de la certitude que l’enfant pourra être aimé car il correspondra exactement à ce que l’on attendait.
Pourtant, si la société dans laquelle vit Maïa désapprouve fermement la passion, elle n’est pas dépourvue d’amour. Ainsi, l’amour-attachement existe – à défaut de l’amour passion. Mais Maïa, au contact d’Anthony, se prend à ressentir une soif d’absolu et d’émotions fortes, choses que son monde a bannies depuis longtemps, afin de s’épargner la fragilité et la dépendance qui vont avec.
La jeune fille nage donc en pleine confusion : si c’est la rencontre amoureuse qui déclenche ses questionnements, elle s’interroge surtout sur les relations qu’entretiennent les gens entre eux – et pas seulement amoureuses : peut-on s’aimer malgré nos imperfections ? L’amour vaut-il la déception quand l’autre ne correspond pas à ce qu’on avait rêvé ?
Finalement, c’est sur les valeurs que l’on accorde à la liberté et à la sécurité que s’interroge l’auteur. La seconde vaut-elle que l’on sacrifie la première ? Vaut-il mieux ne pas souffrir d’amour et ne rien ressentir ? N’est-il pas mieux de commander l’enfant de ses rêves pour ne pas être déçu par l’imprévisibilité humaine ?
Marie Leymarie use d’une plume simple (mais pas simpliste !) pour dévoiler les tribulations de Maïa. Même si certains passages auraient mérité approfondissement, les réflexions et évolutions de Maïa sont pleines de bon sens, touchantes, très émouvantes. Ses questions sont, de plus, universelles : malgré un emballage légèrement science-fictif, Marie Leymarie évoque avec finesse et une grande justesse notre propre société ! Un roman à mettre dans toutes les mains, et pas uniquement adolescentes.
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