ROMAN ADO — Pas facile d’être adolescent et pas facile, à l’âge où on est particulièrement sensible à l’impression que l’on fait sur les autres, de s’habituer aux regards de commisération des autres, à être le centre de l’attention générale… C’est le quotidien de Moses Laufer Victor depuis un an, date à laquelle sa mère et lui ont eu un grave accident de voiture, la laissant elle paraplégique et lui boiteux.
À seize ans, Moses garde en lui beaucoup de colère et de dépit : frappé par une acné virulente, pourvu d’un prénom improbable et désormais destiné à se traîner la patte béquille en main (une béquille qui ne cesse de le faire remarquer, en chutant aux moments les moins appropriés), il ronge son frein en attendant des jours meilleurs. Puis, arrive un nouvel élève, Ratso, un Amérindien gigantesque et costaud, qui bouscule Moses et le fait tomber le jour de son arrivée au lycée. Ratso est en colère, lui aussi. Une amitié étonnante va se nouer entre eux, quand Ratso propose à Moses de l’accompagner à la réserve de Pine Ridge, dans un road-trip cathartique.
Après un début un peu lent, probablement pensé pour poser les personnages (les parents soucieux et traumatisés, l’adolescent en butte contre le monde entier, qui utilise sa rage comme mécanisme de défense), Les Petits Orages décolle véritablement lorsque Moses et Ratso se retrouvent en voiture sur les routes de l’Amérique, direction une réserve amérindienne : l’occasion pour l’auteur de nous livrer une sacrée description des paysages étasuniens ! C’est lors de ce voyage chaotique que Marie Chartres fait tomber le masque aux deux compères, qui se révèlent dès lors très humains. Chacun des deux a beaucoup à apprendre à l’autre. Aux côtés de Ratso, Moses apprend à pardonner à son père, et à laisser le passé derrière lui, tandis que Ratso, lui, apprend à faire son deuil. Cette relation est une véritable révélation pour Moses : issu d’un quartier résidentiel huppé, fils de deux psychologues, il a jusque là été élevé dans du coton. Ratso lui fait découvrir le sort peu enviable des Amérindiens, un quotidien fait d’alcoolisme, de violence, de chômage… Une mise en perspective salutaire !
Les Petits Orages est un roman qui brille surtout par sa fin, sensible et juste, qui nous tirerait presque quelques larmes ! Aux côtés de Ratso, Moses apprend à relativiser et à grandir : le lecteur suit alors ce final avec beaucoup de bienveillance, sincèrement touché par ces deux adolescents abîmés par l’existence !
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