Un roman hilarant : L’ours est un écrivain comme les autres

L'ours est un écrivain comme les autres, William Kotzwinkle

NEW YORK — Le Maine, état américain du Nord-Est, cache quelques jolies plumes : Stephen King est l’un d’entre eux… tout comme l’ours de William Kotzwinkle ! Un ours, dites-vous ? Eh oui ! William Kotzwinkle, dans son roman L’ours est un écrivain comme les autres, imagine le cheminement joyeusement absurde d’un plantigrade dans le milieu de l’édition new-yorkais.

Arthur Bramhall, universitaire de son état, décide de s’isoler dans une forêt du Maine pour écrire son grand roman, le chef d’oeuvre de toute une vie. Malheureusement, sitôt le manuscrit terminé, un incendie ravage la ferme où l’écrivain vivait : envolé, le roman ! Bramhall serre les dents et se remet à l’ouvrage : il termine une deuxième mouture du livre. Pour prévenir tout risque d’incendie, Bramhall stocke son nouveau roman dans une mallette, et la cache sous un arbre. Satisfait, il quitte les lieux, persuadé que son grand oeuvre est en sûreté.

C’était sans compter la curiosité d’un ours, qui passait par là et remarque le manuscrit. C’est là, lecteur, que tu dois suspendre ton jugement et accepter de te laisser porter par la fiction : l’ours lit le roman, et le trouve fort bon. Il devine là que c’est son ticket d’entrée pour le monde des hommes, un monde se caractérisant par la profusion de nourriture et le confort, un monde dans lequel il trouvera tout le miel qu’il souhaite, et plus encore ! Le voilà, affublé d’un costume volé, son manuscrit sous le bras, prêt à conquérir le monde des lettres new-yorkais !

Sous des dehors apparemment absurdes, le roman de William Kotzwinkle décortique avec beaucoup de justesse le monde de l’édition : tous les personnages qui contribuent à faire d’un manuscrit un roman y sont décrits de manière haute en couleur. De l’agent littéraire bourré de tocs à l’attachée de presse fébrile et maladroite, en passant par l’éditeur prêt à tout pour contenter sa star ou à la responsable des droits cinématographiques ultra ambitieuse, chacun a le droit à un portrait délicieusement acerbe et bourré d’humour. Ce milieu un peu farfelu pense avoir trouvé en l’ours un nouvel auteur de best-sellers. Son côté bourru et animal passe comme une lettre à la poste : mieux, il contribue à étoffer son personnage littéraire, son excentricité passe ainsi pour de l’esprit ! Les interlocuteurs de l’ours se chargent de combler les blancs, d’interpréter ses réponses pour le moins laconiques. À chaque remarque à côté de la plaque que fait l’ours, comme « Je change de slip tous les jours », on hoche la tête en méditant sur la profondeur de ses propos. Puis, au fur et à mesure du roman, l’ours s’humanise. Cela n’empêche pas le milieu du livre d’en prendre pour son grade, car prêt à faire l’autruche et à s’amouracher de tout et de n’importe quoi, y compris d’un ours ! Celui-ci porte un regard étonnamment lucide sur le monde des humains, et les nombreuses réflexions qu’il se fait sur ce nouveau mode de vie sont à la fois très drôles et très pertinentes. Il y a un petit côté Lettres persanes dans ce roman : l’ours, exilé dans un monde qu’il ne connaît pas, est à la fois émerveillé et perplexe face à cette nouvelle vie qu’il appréhende pourtant à peine. Pendant ce temps-là, Bramhall se cherche. Peu à peu, il laisse de plus en plus parler son côté animal. Plus l’ours devient humain, plus Bramhall se transforme en ours !

Ne passez pas à côté de cette petite perle d’humour et de cynisme, qui tourne en dérision avec beaucoup de bonne humeur le monde de l’édition américain et le mode de vie new-yorkais !

L’ours est un écrivain comme les autres, William Kotzwinkle. 10/18, 2016. Traduit de l’anglais par Nathalie Bru.

A propos Emily Costecalde 1157 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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