ROMAN HISTORIQUE JEUNESSE – Natacha Henry, essayiste, historienne et journaliste franco-britannique, est spécialiste du sexisme dans la culture populaire, mais aussi des sœurs Marie et Bronia Sklodowska, que vous connaissez peut-être sous leurs noms d’épouses, Bronia Dluska et Marie Curie, deux brillantes scientifiques.
Non contente d’être diplômée de médecine (en 1894), Bronia devient gynécologue, puis co-directrice du sanatorium de Kościelisko qu’elle ouvre avec son mari (un des plus grands de Pologne, qu’elle transformera d’ailleurs en hôpital militaire pendant la première guerre mondiale), fondatrice du musée ethnographique des Tatras, d’un tas d’hospices et de l’Institut du radium – entre autres, car la liste est encore longue. Marie Curie, elle, plus connue peut-être, est la première femme à avoir reçu le Prix Nobel et, à ce jour, la seule à l’avoir reçu dans deux disciplines scientifiques différentes – excusez du peu. Avec Marie et Bronia, Natacha Henry retrace le portrait de ces deux sœurs attachantes.
Varsovie, fin du XIXe siècle. Marie et Bronia, deux sœurs d’une fratrie de cinq enfants, vivent dans une Pologne sous le joug russe, avec une seule obsession : aller à l’université. La première veut devenir chimiste, la deuxième médecin. Malheureusement, pour l’occupant russe, une femme doit se cantonner à sa cuisine et à ses enfants ; l’université leur est donc strictement interdite. Heureusement pour elles, les deux jeunes filles sont dotées d’un solide tempérament rebelle et s’inscrivent à l’université volante, une université clandestine qui enseigne discrètement à une foule de jeunes filles avides d’apprendre. Mais ça ne suffit pas aux deux sœurs car, à quoi leur servirait d’acquérir toutes ces connaissances impossibles à réutiliser ensuite ? Un soir d’automne, les voilà qui nouent un incroyable pacte : Marie s’engagera comme gouvernante pour payer le voyage et les études de médecine de Bronia à Paris et, dès que celle-ci sera installée dans la capitale française, elle rendra la pareille à sa jeune sœur.
Et voilà comment, à quelques mois d’intervalle, leur père les conduit à la gare de Varsovie : l’une traverse l’Europe, seule, pour gagner Paris, tandis que l’autre s’installe au fin fond de la campagne polonaise, dans le but d’instruire deux jeunes filles – et mettre de l’argent de côté pour soutenir sa sœur.
Le roman débute donc avec la prime jeunesse des deux jeunes filles – indispensable pour comprendre ces deux scientifiques accomplies. Car si leurs parents ne leur avaient pas donné le goût de l’étude et de la connaissance, elles n’auraient pas bravé les Russes et la misogynie ambiante : de ce point de vue, le roman transmet donc un formidable message, qui incite chacun à faire de sa vie ce qu’il souhaite, en dépit des mauvais coucheurs qui aimeraient tout régenter. D’ailleurs, la dimension historique de la Pologne sous l’occupation russe est ici parfaitement retranscrite, ce qui aide à se plonger dans le bain de l’époque.
Au fil des chapitres, on suit aussi bien l’évolution de Marie que celle de Bronia : aucune des soeurs ne prend le pas sur l’autre et Natacha Henry leur a accordé une importance similaire : parcours universitaires, amitiés, petites et grandes histoires de coeur, enthousiasmes, déceptions, découvertes, tout y passe. On sent que le roman est très documenté quant à la biographie des deux femmes. C’est peut-être d’ailleurs ce qui le rend aussi froid : si l’on suit pas à pas les deux jeunes femmes, c’est toujours avec une certaine distance, sans doute induite par leur dimension de monstres sacrés. De même, comme on saute parfois d’un épisode à un autre, on est plus face à un portrait d’ensemble que face à un portrait intimiste des deux soeurs.
Néanmoins, la biographie romancée est riche d’enseignements et très accessible, ce qui rend le roman très abordable pour de jeunes lecteurs.
Avec Marie et Bronia, Natacha Henry dresse le portrait de ces deux soeurs incroyables, qui se sont formées quasiment en autodidacte avant d’atteindre les sommets. Par ce récit, elle montre aussi qu’à force de volonté – voire d’obstination – on brave, pour le meilleur, les préjugés absurdes – et, ici, bassement sexistes. Et c’est toujours bon de le rappeler !
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