NOUVELLES — Éric-Emmanuel Schmitt est un auteur incontournable et prolifique de la littérature contemporaine française. Touche-à-tout, il a su notamment s’imposer grâce à ses romans et ses nouvelles, qui nous permettent, au gré de ses histoires, d’explorer la psychologie de nos semblables avec, toujours, une petite touche de philosophie. Pour la rentrée littéraire 2017, Éric-Emmanuel Schmitt nous a concocté un recueil de quatre nouvelles, plus ou moins longues, intitulé La Vengeance du pardon. Derrière cet oxymore plutôt bien trouvé, le fil rouge sera bien évidemment celui du pardon. Quatre nouvelles, quatre récits différents, quatre éclairages nouveaux avec lesquels l’auteur vient bousculer son lecteur et l’incite à se mettre à la place des personnages.
Les sœurs Barbarin
Physiquement identiques, Lily et Moïsette – les jumelles Barbarin – deviennent psychologiquement très différentes le jour où elles comprennent qu’elles ne forment pas une seule et même entité. L’apprentissage du moi est difficile et à partir de là, tout va changer. L’une va aimer sa jumelle inconditionnellement, la pardonner, la dorloter ; l’autre va se sentir lésée, mal aimée, dévorée par la haine et la jalousie. On assiste alors à l’escalade des sentiments : le pardon alimente ici la haine et la revanche. Ce premier récit donne le ton du recueil mais la fin est sans doute un peu prévisible.
Madame Butterfly
Le titre de cette nouvelle est une allusion à peine voilée à l’opéra de Puccini et fait parfaitement écho à l’histoire de William, Mandine et Jébé. William, jeune adolescent de l’élite parisienne, va faire la connaissance de Mandine, une jeune montagnarde simple d’esprit. Suite à un pari avec son groupe d’amis, il va se mettre en tête de séduire la jeune bergère. De ce défi stupide naîtra un enfant que William ignorera et finira par oublier. Jusqu’au jour où ce fils non désiré sera sa seule opportunité d’hériter. Cette nouvelle – la plus longue des quatre – est finalement une leçon de vie, tragique et inattendue.
La vengeance du pardon
Cette nouvelle est peut-être la plus déstabilisante du livre. Lequel des protagonistes doit-on comprendre et pardonner ? On suit Elise, une maman éplorée, qui se rend inlassablement au parloir de la prison pour parler à l’assassin de sa fille, un serial killer responsable de la mort de 15 jeunes filles. Mais dans quel but ? La vengeance ou le pardon ?
Dessine-moi un avion
Comme son titre l’indique, cette nouvelle est inspirée par Saint-Exupéry et Le petit Prince. Daphné, 8 ans, rencontre son voisin Werner, 93 ans, ancien pilote d’avion pendant la Seconde Guerre mondiale. Ensemble, ils vont se découvrir une passion pour le roman de Saint-Exupéry qui va amener bien des révélations. C’est un très beau récit, émouvant, sur la culpabilité, et le fait de se pardonner soi-même.
La question du pardon est épineuse : il est souvent difficile de pardonner. Mais à la lumière de ces nouvelles, on peut se poser la question de savoir s’il est finalement plus difficile de pardonner ou d’être pardonné. Et vous, qu’auriez-vous fait à la place de Lily, William, Elise et Werner ?
Éric-Emmanuel Schmitt explore une fois de plus la psychologie humaine, que ce soit dans le positif ou dans le négatif. On pourrait reprocher les traits de caractère parfois un peu grossiers des personnages. Cela peut sans doute s’expliquer par le format choisi : la nouvelle ne permet pas de fouiller en profondeur mais apporte au contraire du dynamisme. Un même thème peut alors être étudié sous plusieurs aspects. À ceux qui ne connaissent pas bien l’auteur, cette œuvre est sans doute facile d’accès et assez représentative de son style. Pour les lecteurs qui se sont déjà intéressés à lui, ce roman est agréable à lire, fait réfléchir (et c’est une bonne chose !) car Éric-Emmanuel Schmitt sait toujours se réinventer et nous surprendre, mais il ne détrônera peut-être pas La Part de l’autre, ou Oscar et la dame en rose. Une bonne surprise de la rentrée 2017 pour aborder avec légèreté des sujets habituellement plus graves.
La Vengeance du pardon, Éric-Emmanuel Schmitt. Albin Michel, Septembre 2017.
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