Gramercy Park, un roman graphique noir et subtil qui laisse entendre la voix du silence

ROMAN GRAPHIQUE — New York, années 1950, un mélodrame se joue au cœur des buildings. D’un côté, un homme effrayant, ténébreux, un malfrat craint de tous, qui ne sort presque jamais. De l’autre, Madeleine, une frêle jeune femme, ancienne danseuse d’Opéra, qui élève des abeilles. Leurs immeubles se font face, leurs vies s’entremêlent, leurs solitudes se répondent. Mais qu’est-ce qui les lie si ce n’est ce vide qui les sépare? Que fait Madeleine sur ce toit à s’occuper des abeilles ? Consolation ou vengeance … qu’attend-elle ?

Gramercy Park est un roman graphique noir et nostalgique. Ses personnages inspirés d’acteurs (Audrey Hepburn prête ses traits à l’héroïne) et ses plans quasi cinématographiques recréent une ambiance digne des films noirs américains. Le choix du classicisme est parfaitement assumé jusque dans la découpe des planches qui alterne des séries de petites cases dynamiques et des grandes cases panoramiques. Le dessin délicat de Christian Cailleaux, à la mine et au fusain, ses couleurs pastel et discrètes avec une dominante froide, son style vintage et rétro s’harmonisent parfaitement au contexte de l’intrigue, les années 50.

Gramercy Park, Timothée de Fombelle et Christian Cailleaux, Éditions Gallimard

Timothée de Fombelle, auteur plus connu pour ses œuvres à destination de la jeunesse, nous livre ici son premier scénario de bande dessinée adulte. Une héroïne en quête de consolation, une atmosphère mystérieuse, sur un fond de polar, il aborde ce nouveau registre sans se départir de cette poésie qui le caractérise. Tel un funambule oscillant entre beauté et tristesse, Timothée de Fombelle fait résonner dans son œuvre les accords mélancoliques d’un morceau de jazz.

Dans Gramercy Park, ce sont les images qui racontent, le texte est semé ça et là, au fil des souvenirs, comme des respirations. Dans une interview pour le site Culturebox, Timothée de Fombelle explique son choix de la bande dessinée pour conter cette histoire : «  Je sentais que cette histoire avait besoin d’air. Je voulais que ca cause moins que dans un roman. C’était une histoire basée sur le silence de ces deux personnages qui s’observent mutuellement. »

Et, en effet, les regards croisés de Timothée de Fombelle et Christian Cailleaux jouent sur les silences et créent une harmonie du vide qui parle au lecteur, l’incite à se laisser porter. Le rythme, entrecoupé de flash back et d’ellipses, se fait hypnotique et perd le lecteur pour le plonger en immersion totale dans ce magnifique ouvrage.

En conclusion, Gramercy Park est un roman graphique à la fois noir et poétique, une œuvre pleine de subtilité. Cette première collaboration entre Timothée de Fombelle et Christian Cailleaux est parfaitement réussie et on ne peut qu’espérer qu’elle ne sera pas la dernière !

Gramercy Park, Timothée de Fombelle et Christian Cailleaux. Éditions Gallimard, 2018.

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