ROMAN — Trouver un Prince charmant, la tâche n’est pas si facile… Avec Le prince charmant existe, je l’ai inventé, Catherine Monroy revisite avec humour ce mythe intemporel ancré dans la mémoire collective et nous offre une agréable comédie romantique, à la fois tendre, drôle et grave où toute femme, avec ou sans prince charmant, se reconnaitra. Elle nous plonge dans la vie et dans la tête de Camille, jeune et sympathique Parisienne qui assume divorce, enfants et boulot et se trouve soudain confrontée à une urgence : dénicher ce fameux prince… Pas si simple ! Mais comme dans les contes de notre enfance, les crapauds n’ont pas dit leur dernier mot, les princesses se découvrent des ressources inattendues, et les bonnes fées s’activent… même si ce ne sont pas toujours celles qu’on a pensé à inviter à la fête.
Dès la première page, on se prend au jeu/je de ce livre écrit à la première personne du singulier, où se succèdent actions, scènes cocasses et dialogues remplis d’humour d’où émerge une phrase choc, drôle et incisive, qui réussit le tour de force de résumer un caractère en quelques mots. Cette écriture à la fois tonique, distanciée et intimiste donne l’impression de naviguer entre journal intime et reportage sur le vif, avec une autodérision assumée qui fait de Camille une digne héritière d’une Bridget Jones mâtinée de Woody Allen.
Une quête sans répit
Vous l’avez deviné, l’intrigue va se concentrer autour de la quête de ce prince, denrée qui ne court finalement pas les rues de nos jours quand on est une quarantenaire urbaine, débordée, jolie, intelligente, pourvue de deux enfants et de problèmes récurrents de fin de mois. Dans la version XXIe de cette recherche, oubliés le beau mariage, le tueur de dragon ou le château à réveiller, il s’agit pour Camille de contrer les ardeurs subites de son patron et de dénicher dare-dare un palliatif, réel ou imaginaire pour ne pas risquer de perdre son job en blessant l’ego patronal.
Pour ce faire, prenez un ex-mari radin sur le point d’être à nouveau père, un sex-friend séducteur quasi professionnel, un couple d’homos charmants intéressé par votre potentiel, des amies de cœur à la vie amoureuse tumultueuse, une mère à la sexualité bouillonnante, ajoutez à ça un ami d’enfance qui vous a connu en couettes et appareil dentaire, une directrice d’école culpabilisante, mettez le tout à l’approche de Noël avec des listes de cadeaux ambitieuses compte tenu de vos revenus, mélangez bien, ouvrez et lisez…
Le résultat sera explosif ! Et les surprises et déconvenues nombreuses, tant pour l’héroïne que pour le lecteur.
Puisqu’il s’agit d’un conte de fées moderne, tout va bien se terminer. Peut-être pas comme certains l’auraient imaginé, – j’avoue que j’avais quelques hypothèses dont l’une était la bonne !–, mais quelle que soit la vôtre, je peux vous garantir que vous sourirez, voire comme moi éclaterez de rire, de nombreuses fois. Et vous verrez que le prince charmant a bien évolué depuis ses ancêtres en pourpoint de velours.
Ainsi, revu et corrigé après des décennies de féminisme et une récente affaire W., le candidat prince charmant n’apparait plus paré de ses plus beaux atours ni de sa noble et généreuse droiture. Sa belle image se voit même un peu écornée à chacune des tentatives de Camille pour mettre la main sur l’heureux élu : au fil des pages, se succèdent de potentiels princes incapables de se fixer, en mal d’enfant, blasés par leurs succès d’antan ou désireux de redorer leur réputation stagnante par une bonne stratégie de communication. Et comme nous sommes au XXIe siècle, le prince charmant peut même s’avérer virtuel.
Des personnages savoureux
Autour de Camille, se déploie une belle galerie de personnages, parfois surprenants, tant dans leur comportement que dans leur participation à la quête de Camille. Évidemment il y a des clins d’œil : une star un peu trop star pour ne pas être vraie, des copines qui font penser à des héroïnes de séries, un impresario et ses sbires tout droit sortis d’un film noir mâtiné de parodie… Comme dans la vraie vie, tous ont cette capacité à foncer, revenir en arrière, s’égarer, se tromper, évoluer plus ou moins rapidement et se remettre en question. Certains sont touchants, d’autres agaçants, d’autres à gifler, mais tous sont très attachants et c’est sûr, aucun ne vous laissera indifférent.
Il arrive même qu’au fil des pages, on ait l’impression de croiser certains de ses copains, connaissances ou membres de sa famille. Et on sourit, petite connivence de littérature, même si bien sûr tout ceci n’est que pure fiction !
Construit comme une sorte de chemin initiatique, le roman joue en permanence sur les contrastes entre les personnages et les déséquilibres entre leurs différentes façons d’envisager la vie. Et si tous sont là pour aider, freiner ou bousculer un peu Camille, l’auteur semble beaucoup s’amuser à les faire tous appuyer sur les points sensibles – voire dysfonctionnants –, de son existence. Ainsi, son fils de 7 ans pose un regard de Candide en âge de raison sur un fonctionnement adulte parfois déraisonnable, sa fille ado lui tend un miroir pas toujours flatteur, ses amies mettent en lumière les manques de son existence et le mode de vie de sa mère pointe une façon inédite d’envisager la retraite. Ainsi, d’étape en étape, Camille se voit obligée de voir et d’entendre ce qu’elle n’a pas envie forcément de réaliser et malgré l’orgueil chatouillé, cela peut faire du bien, foi de lecteur ! D’ailleurs, certaines répliques de la mère de Camille m’ont bien fait pouffer avant de me faire aussitôt réfléchir…
Un regard lucide sur la société
Au milieu de sa tribu familiale et amicale, il y a Camille, héroïne de notre siècle, à la fois solide et fragile, indépendante et volontaire, et qui finalement ne fait que se battre pour défendre sa liberté : être elle-même.
Cette quête, plus profonde et fondamentale, sous-tend la première et donne sa profondeur à cette comédie. Car sous son allure légère, le livre aborde des thèmes graves et essentiels : la place de la femme, le désir de maternité, le besoin d’être aimé, l’amitié féminine ou masculine, le couple, le célibat, la fidélité, la sexualité, l’immaturité, la vieillesse et même la célébrité. On y parle aussi de la famille – monoparentale, recomposée, éclatée –, de la difficulté d’être parent, de l’éducation, du rapport mère-fille, si complice et intime et qui peut devenir si délicat quand il s’agit de sa fille, si irritant quand il s’agit de sa mère.
Ce que je retiendrai assurément de ce roman est ce qu’il dit des rapports humains et notamment, du regard que nous portons sur les autres. Car avec ce prince dans sa vie, Camille verra le regard d’autrui – et le sien –, changer. C’est ici que le livre prend une tout autre dimension puisque la quête de Camille n’est plus seulement celle d’un prince charmant mais d’un personnage à créer pour remplir sa propre fiction.
Masquée par l’humour et une apparente légèreté de propos, cette nécessité de s’inventer une vie pour finalement se trouver soi-même me paraît le sujet fondamental du livre. Touchant et grave, ce besoin en dit long sur l’être humain et sa capacité à vivre avec les autres, mais aussi sur notre recherche permanente de sens et sur notre envie de croire toujours au père Noël ou au prince charmant. Entre les lignes, on parle ici de nos angoisses, – tout gérer, tout assumer, vieillir, être seul, être soi, être un bon parent, un bon ami, un bon salarié…–, bref de tous ces tracas de la vie que l’imagination, le romanesque et la littérature viennent chaque jour adoucir et ensoleiller.
Alors quelle que soit votre envie de lecture, légère, romantique ou plus existentielle, foncez sur ce Prince charmant existe, je l’ai inventé. Pendant les vacances, à la rentrée pour la bonne humeur ou avant Noël pour le goût du merveilleux, vous le dévorerez d’une traite, sourire aux lèvres, avant de le partager avec vos copines, votre mère, votre patron, peut-être votre ado, et en tout cas, avec votre prince charmant !
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