L’été de nos morts : malheureusement pas le polar de l’été…

THRILLER — La nouvelle vient de tomber : l’Académie Française valide le terme accrolivre pour enfin avoir une alternative au si confortable (mais tellement anglophone) page turner.
Et on aurait adoré étrenner ce mot tout neuf avec un polar estival ! Malheureusement, la sauce a eu bien du mal à prendre…

Lisa Jackson n’en est pas à son coup d’essai : autrice d’une trentaine de polars en tous genres, elle maîtrise le sujet. Et elle propose, avec L’été de nos morts, une suite d’ingrédients qui avait tout pour plaire.
Nous sommes sur la côte de l’Oregon, dans un camp d’été chrétien. Alors que le couvre-feu est tombé depuis bien longtemps, les animateurs enfreignent toutes les règles ô combien strictes imposées par le révérend Dalton : alcool, drogue, sexe, et absence totale de surveillance des chérubins confiés à leur garde sont les maîtres-mots de leur été. Jusqu’à ce que deux des jeunes animatrices, Monica et Elle, tombent enceintes… et disparaissent. Terrorisées à l’idée que leurs aventures nocturnes ne soient révélées au grand jour, les autres s’entendent sur une version de l’histoire légèrement édulcorée, qui a le bon goût de passer sous silence leurs manquements.
Or, voilà que vingt ans plus tard, des ossements de femme sont retrouvés aux abords du camp. L’inspecteur Lucas Dalton, fils de l’ancien directeur du camp, est dans un premier temps chargé de l’enquête. Charge à lui de recontacter ses collègues d’un été, qui tous ont fait leur vie au loin, pour tirer l’affaire au clair. Or, les anciennes animatrices savent qu’elles devront refaire une déposition. Elles se réunissent alors à nouveau dans l’idée de resservir à la police la même version. Mais refait-on à quarante ans les mêmes erreurs qu’à vingt ?

Le résumé était particulièrement prometteur, tout comme la structure du roman : sans grande surprise, la narration fait des allers-retours entre le passé et ce qu’il s’est déroulé au camp et le présent, avec les nouvelles existences des protagonistes. Un système qui a fait ses preuves, et qui entretient généralement le suspense. A condition toutefois qu’il y ait un minimum de révélations ! Alors que le début se fait en fanfare, la tension retombe mollement et s’étiole doucement pendant une grosse moitié de l’intrigue. On tourne en rond, on insiste sur les inimitiés des personnages (on a compris !) et sur les amours de jeunesse qui reprennent du service, sans que ce soit toujours particulièrement utile à l’intrigue ou simplement crédible.

Ceci, d’ailleurs, est applicable à tous les personnages. Est-ce à cause de leur nombre ? On compte une quinzaine de personnages principaux, qui tous souffrent d’un manque d’attention, les rendant au mieux, fades, au pire, sujets au cliché. On déplorera d’ailleurs au passage une petite pointe de racisme bien installée et manifestement totalement assumée au départ : en effet, la seule animatrice afro-américaine est une chapardeuse. Une information qui arrive comme cela dans la discussion, gratuitement, et sans rien apporter à l’intrigue ! Alors, certes, il est nécessaire, pour que le récit fonctionne, que chaque adolescent ait des choses à se reprocher. Mais on s’attend à un minimum de cohérence dans l’intrigue et les personnages ! Du côté des autres, ce n’est guère mieux : l’inspecteur est un gentil gars qui n’a jamais oublié ses premières amours, l’antagoniste est un méchant très méchant qui a mauvais fond et qui, en plus, s’avère d’une incroyable grossièreté. Ajoutons à cela une densité de triangle amoureux au kilomètre carré dépassant celle d’une saison de L’Île de la Tentation, et l’on a une intrigue dont le réalisme est un peu fluctuant.

Heureusement, la tension revient sur la fin et propose une conclusion intéressante, dont on ne dira rien de plus au risque de divulgâcher ce qu’il reste de surprises ! Car rendons à César ce qui lui appartient : si l’ensemble a des défauts, il faut reconnaître que les dessous de l’affaire, assez complexes, donnent un peu de fil à retordre et ne sont vraiment entièrement révélés que dans les dernières pages. Sans être le titre de l’année, L’été de nos morts se laissera bien faire sur la plage !

L’été de nos morts, Lisa Jackson. Harper Collins, mai 2019. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marine Alata.

 

A propos Oihana 710 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

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