Mansfield Park, le dernier roman de Jane Austen

CLASSIQUE — Les années passent, et Jane Austen a toujours autant la cote – preuve en est les multiples adaptations qui sont faites des ses œuvres.
Aujourd’hui, on parle de Mansfield Park, son ultime roman achevé !

A 10 ans, Fanny Price quitte sa famille pauvre pour vivre avec son oncle et sa tante, Sir Thomas et Lady Bertram, à Mansfield Park. Sir Thomas désire aider Mrs Price, la mère de Fanny et la sœur de Lady Bertram, en prenant en charge l’éducation de sa nièce. Élevée avec ses cousins légèrement plus âgés qu’elle, Tom, Edmund, Maria et Julia, elle profite d’une maison luxueuse… quoiqu’on lui rappelle constamment qu’elle leur est inférieure. Seul Edmund fait preuve de gentillesse à son égard ; Maria et Julia la méprisent, Tom ne lui prête aucune attention. Sir Thomas suit l’affaire de loin en loin, lady Bertram ne s’occupe que de son carlin, quant à la tante Norris, la sœur de lady Bertram et de Mrs Price, chaque occasion de rabaisser Fanny lui est bonne.
Au fil des années, Fanny maintient une correspondance régulière avec son frère William, engagé dans la Royal Navy. Elle acquiert en grandissant un sens moral qui lui sert de guide pour toute chose. Et la gratitude et l’affection qu’elle éprouve à l’égard de son cousin Edmund se transforment au fil des ans en un amour que la jeune fille garde secret.
Les jours auraient ainsi pu se dérouler indéfiniment et paisiblement à Mansfield Park. Mais lord Bertram est appelé aux Caraïbes pour régler des affaires et, à ce moment-là, de nouveaux jeunes gens font leur arrivée dans les environs : Mr. et Miss Crawford, frère et sœur de l’épouse du nouveau pasteur. Leur arrivée bouleverse totalement la vie austère de Mansfield Park, sous les yeux de Fanny qui ne peut que prendre son mal en patience.

De fait, de la patience, il va en falloir un peu pour venir à bout de cette belle briquette. Car contrairement aux autres romans de Jane Austen, les personnages voyagent très peu et restent à Mansfield Park où, il faut le dire, la vie n’est guère trépidante. Les chapitres font donc défiler soirées broderies et abrutissantes scènes de repas, le tout émaillé de quelques promenades.
Le point commun de toutes ces scènes ? La dureté avec laquelle Fanny est traitée par ses cousines, et par la tante Norris, qui a son idée arrêtée sur tout, mais surtout sur la façon dont elle va régenter le petit monde et rappeler à Fanny combien elle est étrangère à ce petit monde. Sir Thomas, absent et assez guindé, se fie à ce qu’il pense être une intelligence fine ; lady Bertram, quant à elle, reste vissée à son sofa et s’occupe exclusivement de son petit chien. Fanny est donc bien démunie et déploie face à ces attaques une passivité à toute épreuve.

Et, parfois, on aimerait la voir se rebeller ! Fanny est malheureuse, elle le sait, elle souffre et pleure beaucoup, mais jamais ne s’oppose à sa famille si peu généreuse avec elle. Le pompon est atteint lorsque les jeunes Crawford débarquent dans le voisinage et deviennent amis avec la fratrie Bertram. Aux jeunes premiers les sorties agréables, à Fanny guère plus que le rôle de bonne ! De fait, si Fanny est mise en concurrence avec la jeune Mary Crawford (qui ne va pas tarder à faire d’Edmund l’élu de son cœur…), on ne peut s’empêcher (dans un premier temps, du moins) de prendre le parti de la seconde jeune fille, dont le caractère un brin plus vif donne moins envie de distribuer des tournées de baffes.
Mais Jane Austen rattrape vite la catastrophe en cours en dépeignant des événements qui vont mettre à l’honneur le caractère de la première, tout en blâmant celui de la seconde (même si, là encore, il y aurait des choses à redire sur la conduite de Fanny, notamment envers sa famille biologique).

De fait, le roman décolle réellement avec le départ de Sir Thomas pour les Caraïbes, au moment où les Crawford vont commencer à asseoir leur emprise sur Mansfield Park. On est loin du thriller psychologique, évidemment, mais les petites bisbilles entre les uns et les autres, les jeux de séduction propres à malmener les réputations et les stratagèmes pour arriver à ses fins font le sel de l’intrigue.
Surtout, celle-ci est pimentée par les interventions (de préférence inopportunes) de la tante Norris, que l’autrice semble prendre un malin plaisir à égratigner (et qui, par ses saillies souvent raillées, vient dynamiser quelque peu l’intrigue).

Après de longs (très longs !) atermoiements des différents partis en présence, l’autrice prend un parti-pris narratif très singulier. Alors que l’on approche dangereusement de la fin, elle opère un changement brutal de narratrice qui va lui permettre de conclure rapidement les différentes sous-intrigues. Après tant d’attente, la conclusion semble donc quelque peu abrupte… mais a le mérite de boucler l’ensemble de ce qui a été mis en place.

Si Mansfield Park nous entraîne sur les traces de jeunes gens dont on suit avec attention les circonvolutions en société, tout en critiquant légèrement celle-ci, ce n’est pas le roman avec lequel on conseillera d’entrer dans l’œuvre de Jane Austen. En effet, le récit fait étalage de quelques longueurs, et l’héroïne n’a pas le piquant qui fait le sel des autres romans austeniens. Malgré tout, la découverte vaut le détour, aussi ne faites pas l’impasse sur ce titre !

Mansfield Park, Jane Austen. Traduit de l’anglais par Julie Lauret, Alain Sainte-Marie, Henri Villemain. Illustré par Hugh Thomson. Hauteville (réédition) 9 novembre 2022. 

A propos Oihana 710 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

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