Avant les diamants : la face sombre d’Hollywood

Avant les diamants

HISTORIQUE — L’histoire du cinéma est peut-être courte car récente, mais elle est indéniablement fascinante : les premiers temps et l’ère du muet ont inspiré bon nombre de romans. Ici, Dominique Maisons s’intéresse à une période un peu postérieure, le début des années 50, en pleine guerre de Corée. En pleine purge des studios (l’Amérique connaît alors une ère très virulente envers le moindre soupçon de communisme) et en pleine guerre froide, les années 50 constituent une période de transition. Le Hollywood de l’époque n’a pas grand chose à voir avec celui d’aujourd’hui : dominé par les ligues de tempérance d’un côté, par la mafia de l’autre, ce véritable microcosme en apparence glamour est un vrai nid de vipères, où il est difficile de prospérer tout en conservant une fibre morale. Il y a quelque chose de pourri au royaume de Los Angeles…

Dans ce monde où il est difficile de se faire une place, le producteur Larkin Moffat est un éternel loser, objet de moqueries, toujours à vivoter, doublé d’un sacré scélérat quand l’occasion s’y prête. Il n’est pas homme à laisser passer une bonne affaire. Aussi, lorsque deux agents de l’armée l’approchent pour lui proposer un deal… Impossible à refuser ! Pourtant, c’est le début des ennuis : comme dans une tragédie grecque, les personnages sont précipités inéluctablement vers une fin explosive, presque tarantinesque.

Roman noir qui n’est pas sans rappeler les livres de James Ellroy, dans leur portrait sans concession d’un Los Angeles gangréné, Avant les diamants donne voix à tous les protagonistes d’une sale affaire, bien, bien crade. Âmes sensibles s’abstenir ! Derrière les paillettes et les ors d’Hollywood se dissimulent tout un tas de choses pas bien nettes : trafics divers et variés, magouilles mafieuses, prostitution, tortures, meurtres… La plupart des protagonistes semblent estimer que la fin justifie les moyens. Un portrait au vitriol d’un petit monde qui se dévore de l’intérieur, un instantané exhaustif et acide d’une époque extrêmement passionnée et passionnante…

Peuplé de célébrités de l’époque comme Hedy Lamarr, Errol Flynn ou même Clark Cable, ce roman méticuleusement documenté se lit avec délice, porté par une écriture fluide, vive, et dynamique, en un mot : cinématographique. Si le contexte est très dense, et les recherches menées par l’auteur très impressionnantes, Avant les diamants ne perd jamais son côté romanesque, on s’éclate de bout en bout. On s’attend à s’immerger dans une époque délicieusement surannée, on découvre une ambiance poisseuse, très sombre. Le héros n’a rien d’un héros : au fil du récit, il se fait de plus en plus détestable. Donnant dans le sordide et rêvant de grandiose, Moffat est une véritable ordure rongée par l’ambition et la jalousie : quand on croit qu’il ne pourra pas faire pire, il nous prouve le contraire. Autour de lui gravitent des personnages tous très réussis, imparfaits dans leur humanité crasse : des mafieux envieux, des starlettes ambitieuses, des militaires déchirés en leur âme et conscience, des flics véreux…

Un sacré bon roman !

Avant les diamants, Dominique Maisons. La Martinière, 2020.

A propos Emily Costecalde 1036 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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