New York à travers les (p)âges #3 : des 70’s à la fin du siècle !

Découvrir New York à travers les (p)âges

DOSSIER — Ah, New York, New York ! N’est-ce-pas la plus romanesque des villes (après Paris, n’en doutons pas !) ? New York est une ville qui m’a toujours fascinée. Après une première visite en 2010, puis une seconde en 2016, j’ai dû me rendre à l’évidence  : je suis tombée amoureuse. Aussi, je m’efforce de retrouver la grosse Pomme en fiction très régulièrement. De grandes plumes se sont attachées à l’exercice de rendre compte de l’évolution de la ville. J’ai décidé d’allier deux de mes grandes passions (New York et le roman historique) pour vous faire une série d’articles pour vous faire découvrir l’évolution de New York au fil du XXe siècle.

Vous êtes prêts ? C’est parti pour l’ultime volet de cette trilogie d’articles consacrés à New York, on part cette fois-ci des années 70 jusqu’à la fin du siècle. On fera même un peu de rab’ sur les années 2000 ! 

New York en 80 : artistes vs yuppies !

Oui, c’est un peu manichéen mais nombreux sont les romans sur le New York des années 80 à décrire soit le milieu arty et bouillonnant de l’art et de la nuit, soit les jeunes gens ambitieux qui crèchent sur Park Avenue et qui déchantent progressivement. Deux salles, deux ambiances, comme on dit. Dans cette optique, on a choisi de vous parler de New York, esquisses nocturnes. Dans ce roman signé Molly Prentiss, la métropole est dynamique et en pleine effervescence : c’est le lieu où l’on se croise et où on crée, un vrai melting pot fécond et fascinant. On évolue dans les rues de Downtown, dans les squats d’artistes mais aussi dans les appartements cossus où vivent les mécènes de cette génération d’artistes dont Andy Warhol ou Keith Haring furent les têtes de file. On suit un jeune homme venu d’Amérique du Sud dans sa quête pour « devenir quelqu’un », ainsi qu’un critique d’art en vogue. Le point fort incroyable de ce roman ? Outre rendre cette atmosphère si particulière, si artistique, c’est de susciter une certaine nostalgique chez le lecteur… qui n’a pourtant pas connu cette époque ! Et ça, avouons-le : c’est superbement bien joué !

D’un autre côté, comment vous parler des eighties à New York sans parler du Bûcher des vanités, cet immense best-seller signé Tom Wolfe ? C’est indéniablement un récit moins enchanté que celui de Molly Prentiss. Le Bûcher des vanités, c’est la collision violente entre les privilégiés de la bourse et les minorités du Bronx. Oui, vous savez, le Bronx chanté par J-Lo, le quartier un peu craignos de New York, qui l’était encore plus dans les 80’s… De quoi ça parle ? Ça parle d’un trentenaire qui, en apparence, a tout pour lui : il est propriétaire d’un duplex de quatorze pièces avec vue sur le « Park », touche un salaire indécent, a une famille dont il peut être fier. Tout pète le jour où en raccompagnant sa maîtresse en voiture, il s’égare et renverse un jeune Afro-Américain. Héros détestable (moins qu’un autre yuppie d’anthologie, dans le American Psycho d’Easton Ellis, mais quand même !), terriblement amoureux de lui-même, Sherman McCoy se retrouve ainsi au centre d’un terrible fait divers qui prend une dimension politique… Tom Wolfe dresse le portrait d’une ville divisée, très manichéenne : d’un côté, le Manhattan huppé, de l’autre le Bronx où règnent dealers et criminels… Le Bronx apparaît presque comme un endroit post-apocalyptique ! J’ai lu ce roman, il y a presque 10 ans, il serait intéressant de voir comment il a vieilli et apparaît en 2021…

Années 90 : New York maître du monde

Les années 90 à New York, c’est Friends, bien sûr, mais pas que. C’est une époque bien particulière. On est juste avant l’an 2000, juste avant le 11 septembre, et la ville semble presque insouciante au regard de l’ambiance qui règnera au début de la décennie suivante. Pour parler de cette décennie, on a choisi un roman peu connu mais vraiment intéressant : Kapitoil. Ce roman nous transporte à la fin des 90’s, dans la vie d’un informaticien qatari embauché à New York pour travailler sur le fameux bug de l’an 2000. En effet, nous sommes en 1999, l’échéance se rapproche et souvenez-vous, tout le monde craignait cette panne généralisée… Le fait d’avoir choisi un narrateur non-américain permet bien sûr une nouvelle variation autour de l’American Dream et de ses revers. Karim, le jeune héros, est une sorte de Candide moderne qui peine à comprendre les moeurs et l’humour new-yorkais, mais qui fait de son mieux pour s’adapter. Il découvre cependant un New York corrompu, opportuniste et irrespectueux, où l’on boit et on se drogue énormément (choses qu’on observe beaucoup dans les romans des années 70 et 80, d’ailleurs !). Karim observe et analyse tout, ça rappelle un peu les Lettres Persanes (dans ce récit de Montesquieu, celui-ci utilisait déjà le processus visant à décrire et à critiquer un pays en imaginant ce qu’en penseraient deux touristes un peu largués). Le New York du roman est arrogant, sûr de sa puissance. La chute n’en sera que plus rude.

Années 2000 : chute et reconstruction

Il me semblait finalement que de terminer cette série d’articles sur les années 90 serait ne pas faire le boulot jusqu’au bout. Dans le 1999 de Kapitoil, New York est la plus grande, la plus belle, la plus forte ville du monde. Puis, on se souvient tous de ce qu’il se passe après. J’étais une élève de 6e quand le 11 septembre a eu lieu. Je n’avais que dix ans mais je n’oublierais jamais ces heures passées devant la télévision, hébétée, face à l’histoire qui s’écrivait en direct. Personne n’a oublié l’attentat du Wold Trade Center. Après réflexion, le roman qui parle le mieux de cette époque, c’est probablement Les Règles d’usage de Joyce Maynard. Il se trouve que j’ai eu la chance de rencontrer cette autrice fascinante lorsque le roman est sorti en France en 2016. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que ce roman, Joyce Maynard l’a écrit en réalité en novembre 2001, en un mois, à chaud, alors qu’elle vivait elle-même à New York à l’époque. C’est probablement une des oeuvres de fiction sur le sujet écrites le plus tôt après les événements, ce qui lui confère une intensité indéniable.

Les Règles d’usage, c’est l’histoire d’une adolescente de 13 ans qui perd sa mère dans l’attentat et qui se demande, tout simplement, comment continuer à vivre et à grandir quand on perd sa mère dans une catastrophe d’ampleur mondiale. Vous imaginez sans peine, je pense, l’émotion qui se dégage de ce récit. Joyce Maynard y décrit une ville meurtrie, en état de choc, des rues envahies de gravats et d’habitants en quête de leurs proches, des murs disparaissant sous les avis de recherche… C’est poignant, cru et violent : c’est de la grande littérature.

Cependant, sans surprise, New York ne se définit pas dans les années 2000 que par son traumatisme, et parvient à rebondir. On retrouve alors sans surprise le retour de livres mettant en avant les fameux « heureux du monde » qu’on retrouve si souvent dans la littérature new-yorkaise. On peut ainsi citer la série de romans (devenue série tout court) Gossip Girl, dans un registre beaucoup plus léger. Le lecteur suit les pérégrinations d’un troupeau de lycéens privilégiés qui évoluent sous l’oeil impitoyable d’un mystérieux observateur qui s’empresse de relater leurs errances sur le net. C’est un récit très ancré dans les années 2000, bien avant Instagram, tout en téléphones à clapet et en blogs. New York y est le royaume de ces jeunes gens très friqués, qu’ils ne quitteraient pour rien au monde (bien qu’un week-end à Aspen ou une semaine à Rome soient tout à fait acceptables). Name-dropping, fêtes endiablées où le champagne coule à flot, penthouses inaccessibles au commun des mortels dépeignent un New York doré et scintillant, bien différent de ce qu’il est en réalité pour la plupart de ses habitants. Mais bon, il faut de tout pour faire un monde, n’est-ce-pas ? La série de bouquins se lit sans déplaisir, avec un petit côté « plaisir coupable » indéniable.

Livres conseillés dans cet article :

  • New York, esquisses nocturnes, Molly Prentiss. Calmann- Lévy, 2016.
  • Le Bûcher des vanités, Tom Wolfe. Le livre de poche, 2001.
  • Kapitoil, Teddy Wayne. Liana Levi, 2014
  • Les Règles d’usage, Joyce Maynard. 10/18, 2017.
  • Gossip Girl, Cecily Von Ziegesar. PKJ (omnibus tomes 1 à 3), 2017.

À lire :

New York à travers les (p)âges #1 : 1900-1930

New York à travers les (p)âges #2 : 1940-1970

A propos Emily Costecalde 1036 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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