ROMAN — Les concours de beauté, depuis longtemps déjà, suscitent polémiques et moqueries : c’est déjà le cas lorsque les concurrentes sont adultes (éternels débats sur le non-féminisme de Miss France !). Imaginez un peu lorsqu’elles sont enfants ! Une téléréalité américaine plonge les spectateurs dans cet univers un peu glauque : Toddlers and Tiaras. C’est ce même monde plein de paillettes, d’auto-bronzant et de larmes que décide d’explorer Olivier Bourdeaut dans son roman Florida.
Florida, c’est l’histoire d’une gamine née dans cet état clinquant du Sud des États-Unis qui, pour son malheur, est très jolie. Pour son malheur dites-vous ? Oui, car Elizabeth est très jolie, mais elle n’est pas très belle pour autant… Le jour de ses sept ans, Elizabeth se présente pour la première fois à un concours de beauté, à l’initiative de sa mère et, malheureusement, elle gagne. Malheureusement ? Oui, car c’est le début d’une obsession maternelle profondément malsaine. Or, on l’a dit : Elizabeth est ravissante, mais ce n’est jamais la plus belle de la pièce. Passée cette première victoire, la fillette collectionne les places de seconde. Sa mère n’en est alors que plus acharnée…
Une phrase, issue du dernier paragraphe du roman, résume tout : « Qui suis-je, finalement ? Une petite fille gâtée et ingrate à qui ses parents ont tout sacrifié, ou alors une enfant bousillée par la bêtise, les ambitions contrariées, la lâcheté, la facilité ?« . C’est là tout le noeud ce roman implacable et cruel, qui décrit un personnage au bord de l’autodestruction en permanence, qui exsude la haine (de soi et des autres) par toutes les pores. Les concours de mini-miss sont la porte d’entrée vers la dépression et les troubles de l’image qui accableront Elizabeth : mais ce n’est que le début de son aventure.
Le pire ennemi d’Elizabeth est son physique, à l’instar de l’héroïne de Histoire de petite fille. Son physique et ce que les gens autour d’elle essaient d’en obtenir… Sa mère veut en tirer une gloire par procuration. Les hommes la voudront plus tard dans leur lit. Elizabeth essaie de reconquérir son propre corps, peu importe le moyen, et le chemin qu’elle choisira est finalement surprenant.
C’est glauque, c’est triste, et c’est sacrément bien écrit, avec des phrases qui sonnent et des punchlines efficaces. L’émotion à fleur de pages, la rage brute, la haine, l’envie d’en découvre… tout cela dessine un contre-rêve américain, avec une Floride cannibale qui dévore ses propres enfants sous un soleil de plomb. Elizabeth fait des choix décisifs, sa vie bascule plusieurs fois. Elle prend à chaque fois l’embranchement le moins favorable… Il suffit d’un rien pour que sa vie change du tout au tout.
Au coeur du récit, Olivier Bourdeaut décrit un trio familial bancal, une relation mère/fille complètement dévoyée. Le père, qui complète ce duo foireux, semble étranger, passif. Le personnage de la mère est brillamment monté et il ne fait que trop bien écho aux mères qu’on voit parfois dans des reportages à charge sur l’univers des mini-miss : prêtes à tout pour coiffer la tête blonde de leur fille d’une couronne qui les enchaîne plus qu’elle ne les élève… Prêtes à envisager la chirurgie, à sexualiser leurs fillettes, à leur imposer des entraînements drastiques au mépris de leurs études, à les faire basculer brutalement dans le monde des adultes…
Terrible, mais passionnant !
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