YOUNG ADULT — Slay était un roman très attendu de la communauté des lecteurs français, aussi l’enthousiasme était très important quand le label Young Novel d’Akata a annoncé sa traduction et sa parution imminentes. Zoom sur un roman militant !
« Slay », c’est un jeu vidéo en ligne où on peut s’affronter en duel avec des cartes. Le jeu est à la fois très connu et relativement confidentiel : en effet, il faut être coopté pour y accéder. Les codes de jeu se passent de main en main, partout dans le monde… mais uniquement au sein des communautés noires. « Slay » se veut un espace safe, sans racisme, où la culture noire est mise à l’honneur.
Un beau projet que Kiera, une Afro-Américaine de dix sept ans qui vit dans la région de Seattle, mène avec succès dans le plus grand secret. Personne ne sait que l’élève brillante, l’amie loyale et la petite amie passionnée cachent en fait une programmeuse hors-pair aux actions militantes. Kiera trouve parfois difficile de mener une double vie, mais elle s’en sort plutôt bien… jusqu’au jour où tout dérape. Un adolescent américain est assassiné dans son sommeil pour un motif en lien direct avec « Slay ». Les médias s’emparent alors de l’affaire. Le jeu est décrit comme violent et raciste car excluant. Kiera en vient à redouter d’être poursuivie en justice. Elle tente de maintenir son anonymat coûte que coûte.
C’est un roman intéressant, bien ficelé du point de vue de l’intrigue qui vous embarque sans grandes difficultés, et qui pose de nombreuses questions et met en lumière les mille et unes discriminations du quotidien dont souffrent les Noirs au jour le jour. Kiera l’explique très bien à ses deux amis blancs, qui semblent inconscients de leurs privilèges, et de leurs maladresses. Leur évolution, leurs prises de conscience, sont adroitement amenées. Kiera, quant à elle, exprime bien l’espèce de déchirement entre la fierté qu’elle éprouve face à sa culture, et la nécessité qu’elle éprouve de l’estomper au quotidien dans un lycée majoritairement blanc. Le roman traite avec justesse de la question du racisme et dénonce une société globalement aveugle face aux discriminations du quotidien que subit une partie de la population. Elle met en lumière les rancunes persistantes face au passé américain, incarné par Malcolm, le petit ami de l’héroïne. Celui-ci rejette en bloc les jeux vidéos, obligeant ainsi Kiera à taire son secret : Malcolm pense en effet que ceux-ci tirent l’homme noir vers le bas.
Car, évidemment, au-delà des questions d’identité ethnique, le roman dénonce également la mauvaise presse faite aux jeux vidéos, accusés d’être des vecteurs de violence, qui poussent de jeunes adolescents impressionnables au crime. Kiera, elle, voulait juste un espace où jouer en toute sécurité le soir, à un jeu qui rappelle « Yu-Gi-Oh! ». Pourtant, dès que les médias s’emparent de l’histoire, le jeu est décrit comme raciste, comme violent, comme un lieu où se réunissent des gangs de criminels. L’association jeu vidéo + racisme du débat médiatique fait que « Slay » apparaît comme la création d’un dégénéré qu’il faut absolument poursuivre en justice pour incitation à la haine. Ambiance très « Fox News ».
Un roman donc intéressant à plus d’un titre, dont on déplorera peut-être le dénouement un peu rapide.
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