Mexican Gothic : bienvenue à High Place !

Mexican Gothic

HORREUR — Si un jour j’écris un roman imaginaire, ce sera probablement un roman de vampires ou de maison hantée : aussi, je suis toujours ravie quand l’occasion se présente de lire un récit explorant l’un ou l’autre de ces thèmes. Mexican Gothic présentait aussi l’immense avantage d’y ajouter une touche d’exotisme bienvenue, puisque l’histoire se passe dans la campagne mexicaine. J’ai foncé. Je n’ai pas regretté.

Mexico, 1950 : la jeune Noemí, une fêtarde insouciante, est ramenée de force par son père en pleine soirée déguisée. Celui-ci, inquiet, lui confie une mission : elle doit se rendre dans une campagne assez reculée pour prendre le pouls de sa cousine Catalina, récemment mariée, qui envoie des lettres inquiétantes. Elle prétend ainsi que son nouvel époux, Virgil, l’empoisonne et qu’elle entend des gens parler dans les murs (!). De mauvaise grâce, mais sincèrement inquiète pour sa cousine et bien décidée à accomplir sa mission, Noemí se rend donc à High Place, le manoir de la famille Doyle, des Anglais qui vivent presque en autarcie dans un coin paumé du Mexique depuis des décennies. Elle découvre une maison autrefois grandiose mais aujourd’hui franchement délabrée et sinistre, qui vit au rythme du patriarche, très âgé et moribond. Il y est interdit de parler pendant le dîner, de s’aventurer seule en ville, de fumer. Sa cousine montre des signes psychiatriques inquiétants. Mais pire encore : au bout de quelques jours sur place, un malaise s’installe, Noemí commence elle-même à avoir des cauchemars et des visions étranges…

Roman gothique par excellence, qui évoque par son style et son ambiance Henry James ou Richard Matheson, Mexican Gothic est un vrai roman d’atmosphère, avec une longue mise en place soignée qui bascule peu à peu avec l’horreur la plus extrême. C’est absolument bien ficelé ! Le roman, en effet, ne rechigne pas aux pires horreurs : meurtres, viols, inceste, cannibalisme, sacrifices humains… tout y passe ! Si, au début, l’intrigue rappelle celle de la maison hantée de Disney (un manoir isolé, près d’une mine désaffectée, une mariée meurtrière), elle tend rapidement vers quelque chose d’encore bien plus sombre, qui évoque les sectes sanglantes des temps immémoriaux.

L’ambiance est assez décalée, les Doyle ont importé un bout d’Angleterre en plein Mexique, et l’atmosphère est donc celle de la campagne anglaise, surtout que la météo n’est pas celle que l’on attend d’un roman qui se passe sous ces latitudes. L’autrice a cependant bâti tout un contexte autour bel et bien mexicain : l’exploitation des mines d’argent, la révolution mexicaine… Au-delà de son aspect horrifique, le roman dénonce à la fois la condition des femmes de l’époque (et celles d’avant encore) sous la domination de l’homme, et s’y ajoute même une dimension sociale, les Doyle étant les méchants riches qui exploitait jusqu’à la moelle le prolétariat local (et importé, puisqu’ils avaient fait venir des mineurs du Royaume-Uni). L’argent est d’ailleurs, au même titre que le sexe, un des moteurs du récit. Le roman parle aussi longuement d’eugénisme et de racisme, les Doyle étant des gens absolument charmants jusqu’au bout des ongles.

C’est un excellent roman, qui met un peu de temps à démarrer, mais dont la fin est pleinement satisfaisante, avec un folklore brillamment exploité : tout est brillant et malaisant. Les personnages sont réussis, et bien sûr, le mal absolu est bel et bien présent et ne pourra être détruit que dans une joyeuse flambée. Rien à ajouter, rien à enlever : c’est tout simplement pile ce qu’il fallait.

Mexican Gothic, Silvia Moreno-Garcia. Bragelonne poche, octobre 2022. Traduit par Claude Mamier (mais personnellement je l’ai lu en anglais).

A propos Emily Costecalde 1036 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.