Critique du film The order de Justin Kurzel

Quatre ans après avoir présenté Nitram en compétition à Cannes, le réalisateur australien Justin Kurzel revient avec The Order, un film se déroulant dans les environs de Denver, Colorado. L’histoire, située en 1984, explore les communautés suprémacistes blanches, ces groupes d’extrême droite radicaux et racistes. Plutôt qu’une fiction politique, le film se concentre sur une enquête serrée autour de quelques personnages et le duel entre la police fédérale et un chef de clan. Jude Law et Nicholas Hoult incarnent ces deux pôles opposés, se poursuivant dans un jeu de chat et de souris entre l’ordre et l’activisme armé. Le scénario, délibérément peu documenté, met l’accent sur l’action et un rythme rapide, rendant le film particulièrement captivant.

Kurzel, connu pour son style romanesque dans des œuvres comme The Snowtown Murders, Nitram, et sa version de Macbeth, se concentre ici sur l’atmosphère sombre et oppressante de cet environnement ultra-agressif et masculin. Il trace une ligne de crête sur laquelle évoluent ses personnages jusqu’à la chute. À l’instar de Michael Mann dans Heat, Kurzel construit son histoire autour de deux hommes, chacun décrit de son côté, dans une opposition stylistique créant une antagonisme immédiat. Leur rencontre lors d’une chasse résonne comme une métaphore de leur relation, respectueuse et polie. Ces deux faces d’une même pièce évoluent chacune à leur manière : dans la solitude pour Jude Law et dans une camaraderie toxique pour Nicholas Hoult, illustrant deux visions de l’Amérique où une seule peut survivre.

Comme souvent avec Kurzel, nous assistons à la naissance d’une cellule ultra-violente, une excroissance monstrueuse d’un tissu social gangrené par la pauvreté et l’ignorance. Robert Matthews, joué par Hoult, est obsédé par l’avenir de sa lignée et l’idée de reconquérir un pays qu’il considère perdu aux étrangers et à l’ennemi intérieur. Le diagnostic est clair : ces jeunes hommes, relégués aux marges, ne s’intéressent plus aux mots, ils veulent de l’action. Kurzel décrit des générations d’hommes assoiffés de vengeance, prêts à recourir à la lutte armée et au terrorisme pour apaiser leurs instincts frustrés par une société qu’ils jugent injuste. Le message est simple, minimaliste, presque à l’os, parfait pour un film qui avance à toute vitesse entre fusillades, braquages et enquêtes policières.

De l’autre côté, l’agent Terry Husk, joué par Jude Law, parle peu. Lorsqu’on lui demande si ses filles le rejoindront, il répond par un soupir agacé. Il déplaît à ses interlocuteurs, préférant avancer seul et contre l’avis de tous, incarnant la figure du justicier solitaire typique de l’Américana contemporaine. Le mystère l’entoure même dans son corps, révélant des cicatrices qui témoignent d’une histoire tourmentée dont nous ne saurons jamais rien, la souffrance du passé restant silencieuse au-delà des grimaces de l’homme tourmenté qu’il est.

Ainsi, The Order n’est pas un film d’une portée thématique exceptionnelle. Économe en mots et en effets originaux, il préfère une mise en scène sobre, oscillant entre drame policier et western, nous rappelant que le Colorado a longtemps été une frontière vive dans l’imaginaire américain. L’histoire, servie par sa sobriété et son rythme bien cadencé, reste très agréable à regarder malgré la dureté du sujet. Le manque d’ambition politique est compensé par un duo d’acteurs magnifique, donnant vie à un duel poignant qui s’inscrit dans la grande tradition du cinéma américain, explorant les marges de territoires où tout semble possible, même le pire.

A propos Kévin Costecalde 318 Articles
Passionné par la photographie et les médias, Kévin est chef de projet communication. En 2012, il a lancé le blog La Minute de Com, une excellente occasion selon lui d'étudier les réseaux sociaux et l'actualité. Curieux et touche-à-tout, Kévin aime les challenges, les voyages et l'ironie.

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