Wicked : Une magie qui opère, malgré quelques longueurs

Dans la pénombre d’une salle de cinéma, les premières notes de « Wicked » résonnent comme une promesse. Cette adaptation tant attendue de la comédie musicale culte de Broadway nous plonge dans un Oz réinventé, où les frontières entre le bien et le mal s’estompent dans un tourbillon de couleurs chatoyantes et d’émotions brutes.

Une distribution qui transcende les attentes

Cynthia Erivo, dont la présence sur Broadway a déjà marqué les esprits, livre une interprétation d’Elphaba qui restera gravée dans les mémoires. Sa voix, d’une puissance phénoménale, fait vibrer les murs pendant « Defying Gravity », mais c’est dans les moments de vulnérabilité qu’elle brille le plus intensément. Lors de « I’m Not That Girl », son regard perdu dans le vide et sa voix tremblante d’émotion contenue nous transpercent le cœur. Sa transformation d’étudiante marginalisée en figure de résistance est magistralement nuancée, chaque étape de son évolution étant marquée par des détails subtils dans sa gestuelle et sa façon de se tenir.

Face à elle, Ariana Grande réussit l’exploit de réinventer Glinda sans trahir l’essence du personnage. Sa Galinda est plus qu’une simple écervelée : derrière les rires cristallins et les poses affectées se cache une vraie profondeur. Dans « Popular », Grande marie à la perfection l’humour physique (ses petits sautillements et ses expressions exagérées sont hilarants) et une sincère bienveillance qui transparaît dans chaque conseil donné à Elphaba. Leur duo dans « For Good » atteint des sommets d’émotion rarement vus dans une comédie musicale récente.

Une mise en scène spectaculaire et minutieuse

Jon M. Chu déploie tout son talent dans la création d’un univers visuel époustouflant. L’université de Shiz, avec ses tours gothiques et ses salles de classe aux boiseries anciennes, semble tout droit sortie d’un conte de fées victorien. Les costumes, créés avec un souci du détail remarquable, racontent leur propre histoire : la transformation graduelle des tenues d’Elphaba, passant de tissus rêches et ternes à des robes plus structurées et dramatiques, reflète subtilement son évolution personnelle.

Les séquences musicales sont chorégraphiées avec brio. « Dancing Through Life » devient un tourbillon de mouvements où chaque danseur raconte sa propre histoire en arrière-plan, créant un tableau vivant d’une richesse exceptionnelle. La scène de « Defying Gravity », point culminant du premier acte, est un chef-d’œuvre technique : la caméra virevolte autour d’Elphaba qui s’élève dans les airs, capturant à la fois la puissance du moment et l’intimité de sa libération personnelle.

Un casting secondaire qui enrichit l’histoire

Jeff Goldblum apporte au Magicien d’Oz une complexité fascinante. Son interprétation mêle habilement charisme et manipulation : son apparente bienveillance cache une cruauté calculée qui se révèle progressivement. Sa scène avec Elphaba dans « A Sentimental Man » est particulièrement remarquable, son visage passant subtilement de la cordialité paternelle à une froideur inquiétante.

Michelle Yeoh, en Madame Morrible, est une révélation. Sa présence imposante et sa diction précise donnent vie à une antagoniste dont la méchanceté n’a d’égale que l’élégance. Chacune de ses apparitions est marquée par un jeu de pouvoir subtil, notamment dans ses interactions avec les étudiants où elle passe de la bienveillance feinte à la menace à peine voilée en un battement de cils.

Les défis d’une adaptation ambitieuse

La durée de 2 heures et 41 minutes pourrait sembler excessive, mais chaque scène apporte sa pierre à l’édifice. Les moments plus calmes, comme la scène où Elphaba découvre la vérité sur les animaux parlants, sont nécessaires pour construire l’engagement émotionnel du spectateur. Cependant, la décision de diviser l’histoire en deux parties soulève des questions légitimes sur la nécessité artistique versus les impératifs commerciaux.

Les effets visuels, bien que généralement impressionnants, présentent quelques incohérences. Certaines séquences de vol manquent parfois de naturel, et l’utilisation excessive de CGI dans les scènes d’action peut parfois nuire à l’authenticité émotionnelle que le film a si soigneusement construite.

Une résonance contemporaine saisissante

Le message du film sur la manipulation des masses et la fabrication d’un ennemi commun résonne avec une actualité troublante. La façon dont le pouvoir utilise la peur et la désinformation pour contrôler le peuple d’Oz fait écho à nos propres débats sociétaux. La transformation d’Elphaba en « méchante » du récit officiel illustre parfaitement comment les narratifs peuvent être détournés pour servir des intérêts politiques.

Verdict final

« Wicked » est bien plus qu’une simple adaptation : c’est une réinvention ambitieuse qui parvient à honorer son matériau d’origine tout en créant quelque chose de nouveau et de profondément émouvant. Malgré sa longueur et quelques imperfections techniques, le film nous rappelle pourquoi les comédies musicales ont ce pouvoir unique de nous toucher au plus profond.

Les performances d’Erivo et Grande resteront dans les annales du genre, leur chimie à l’écran créant des moments de pure magie. Si la première partie est déjà si riche en émotions et en spectacle, on ne peut qu’attendre la suite avec impatience, en espérant qu’elle justifiera pleinement cette division en deux parties.

Une chose est sûre : ce « Wicked » nous fait croire, ne serait-ce que le temps d’un film, que nous aussi pouvons défier la gravité et voler de nos propres ailes.

A propos Kévin Costecalde 372 Articles
Passionné par la photographie et les médias, Kévin est chef de projet communication. En 2012, il a lancé le blog La Minute de Com, une excellente occasion selon lui d'étudier les réseaux sociaux et l'actualité. Curieux et touche-à-tout, Kévin aime les challenges, les voyages et l'ironie.

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