SOCIÉTÉ — Fanny Chartres est auteure et traductrice, essentiellement du roumain vers le français. Des neuf années qu’elle a passées à Bucarest est né Strada Zambila, son dernier roman jeunesse en date (et qui était en lice pour le Prix Gulli 2017), qui narre l’histoire de deux frangines dans la Bucarest d’aujourd’hui.
« Cueilleurs de fraises » : voilà comment, en Roumanie, on désigne ceux qui partent à l’étranger dans l’espoir d’y trouver une vie meilleure. Les parents d’Ilinca sont de ceux-là : ils ont quitté Bucarest pour la Normandie, où le père officie en tant que médecin, tandis que la mère enchaîne ménages et aide aux personnes âgées. Ses parents assurent à Ilinca que ce n’est que provisoire, mais la fillette trouve le temps diablement long et ce d’autant plus que Noël approche, sans offrir de meilleure perspective.
En l’absence des parents, la vie s’est peu à peu organisée dans le petit appartement de la rue Zambila : les grands-parents sont là (avec leurs huit chats, tous nommés selon des villes françaises !) pour veiller sur Ilinca et Zoe, la petite sœur. Celle-ci est plus jeune qu’Ilinca, très insouciante, et compose même une ode aux fraises, sans percevoir tout ce que le fruit traîne de péjoratif dans son sillage ! D’ailleurs, Zoe semble s’acclimater bien mieux qu’Ilinca à l’absence parentale et ne comprend guère la colère de son aînée.
Celle-ci tente alors, devant l’absence de réponse franche des parents quant à leur retour, de s’investir dans un projet scolaire : associée à Florin, un élève rom de sa classe, elle parcourt la ville à la recherche du cliché idéal, que son camarade se chargera d’illustrer de quelques vers de son cru. Un bon moyen, pour l’un comme pour l’autre, de percer quelques carapaces et, qui sait, de tromper l’attente en attendant le retour des parents ?
Si l’on arpente en long, en large et en travers les rues de Bucarest sur les traces de notre jeune (et très énervée) photographe, Strada Zambila parle plus de l’histoire de la jeune fille qu’est Ilinca que de la Roumanie – même si la situation de celle-ci transparaît, évidemment, entre les lignes.
Les fameux « cueilleurs de fraises » – ainsi nommés en raison de la forte immigration roumaine vers l’Espagne pour aller ramasser des fraises – sont évidemment au centre du récit, puisque les parents d’Ilinca sont perçus comme tels. L’autre sujet d’actualité, ce sont les roms, dont on découvre avec une certaine consternation qu’ils sont encore plus mal considérés en Roumanie qu’ils ne le sont dans d’autres contrées (la nôtre, par exemple). Ainsi, Florin et sa famille sont-ils en butte au racisme dans leur propre pays, un constat qui ne va pas tarder à bousculer les préjugés d’Ilinca – et peut-être, dans la foulée, ceux du lecteur.
Mais, avant tout cela, Strada Zambila est un roman jeunesse qui charrie des sujets qui parleront aux jeunes lecteurs : amitié et relations familiales sont au centre de l’histoire, le reste venant surtout offrir un écrin à l’intrigue. Car malgré son lieu de vie, Ilinca traverse une période tumultueuse, où elle est à la fois en rébellion contre sa famille et bien forcée de s’avouer que celle-ci ne vient que de l’amour qu’elle leur porte : pas toujours facile, mais à peu près indispensable dans une petite crise familiale en bonne et due forme !
Avec Strada Zambila, Fanny Chartres signe une belle histoire familiale aux thèmes universels, très accessible à de jeunes lecteurs, tout en offrant une plongée aussi dépaysante qu’intéressante dans la Bucarest d’aujourd’hui.
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