ROMAN AMÉRICAIN — Le monde de l’édition est fermé et méconnu de la plupart des gens. Peu savent au fond comment sont sélectionnés les manuscrits à paraître, et ce qui fait qu’un livre marche, ou non. Peut-être regardez-vous, dépités, la liste des best-sellers en vous demandant comment tant d’auteurs de romans de gare parviennent à se hisser aux meilleures places. Peut-être vous étonnez-vous de voir que certains auteurs très bons demeurent confidentiels. Si vous voulez des réponses à vos questions, il y a Steve Hely.
Peter est, avouons-le, un « loser ». Il vit dans un appartement miteux, avec un colocataire qui se nourrit exclusivement de purée lyophilisée, a des problèmes d’alcool et d’hygiène, et gagne sa vie en rédigeant des dissertations et des lettres de motivation pour de riches étudiants. Le jour où Peter reçoit une invitation au mariage de Polly, son ex, il a un déclic : il faut qu’il fasse quelque chose de sa vie… Pourquoi ne pas écrire un best-seller? Peter commence donc à étudier le fonctionnement des livres à succès, avant de s’essayer lui-même à la rédaction.
Satire du monde de l’édition, Comment je suis devenu un écrivain célèbre est sacrément politiquement incorrect : tous les auteurs de best-sellers en prennent indirectement pour leur grade. Et le lecteur aussi, finalement, le récepteur de toute cette mauvaise littérature. Que penser en effet d’un public qui applaudit des romans de gare et dédaigne des chef d’oeuvres? Bref, faites abstraction de cela, ne vous vexez pas, et plongez-vous dans la vie de Peter. Peter n’est pas quelqu’un de recommandable : il est mesquin, prêt à tout, a une propension à la boisson. Cependant, il a un atout : il sait écrire et il a parfaitement perçu ce qui faisait l’essence du best-seller. S’en suit la rédaction d’un roman improbable, exagéré et dégoulinant de bons sentiments, mêlant allègrement les sentiments à la Danielle Steel, et l’action à la Dan Brown. Rien que le titre vaut le détour : Cendres dans la tornade. Il est juste dommage que Steve Hely soit passé aussi vite sur le processus de sélection des manuscrits et sur le fonctionnement interne d’une maison d’édition. A la place, Peter expérimente les joies des séances de lecture et des salons littéraires. Une autre facette du métier d’auteur.
Peter conçoit l’écriture comme une escroquerie, un commerce comme un autre, à destination de gens crédules avides d’histoires tirées par les cheveux, de sentiments, et de scènes niaises, un commerce qu’il convient d’alimenter en polémique et en déclarations soigneusement préparées avant de grappiller des places au classement des meilleures ventes. Il dessine en quelques pages tout l’univers du livre aux Etats-Unis, de la liste des best-sellers du New York Times au show d’Oprah, en passant par le classement Amazon ! C’est d’un cynisme à tout épreuve. Evidemment, il est impossible de ne pas comparer avec l’édition française et nos best-sellers nationaux. Comme quoi ce qui se vend le plus n’est pas forcément ce qui est le mieux écrit.
Pourquoi lire Steve Hely? Outre le fait que le livre soit vraiment très drôle, c’est une excellente parodie qui amène le lecteur à réfléchir sur ses lectures et sur les mécanismes de l’édition. A grand renfort de clichés sur le monde de la littérature, Steve Hely dresse un portrait pourtant réaliste d’une industrie qui ne connait finalement pas la crise. C’est à désespérer si vous êtes vous même auteur et que vous rêvez de révolutionner le marché du livre. Pour les autres, cela sera un agréable moment de lecture.
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