Dans son dernier roman Jacaranda, Gaël Faye, connu pour son premier succès « Petit Pays », plonge une fois de plus dans les tumultes de l’histoire rwandaise. Cette fois-ci, il s’inspire des expériences dramatiques de sa famille maternelle pour tisser une trame romanesque poignante qui résonne avec l’écho du génocide rwandais.

Petit Pays nous avait déjà offert un regard sur l’enfance de Gaël Faye au Burundi, marquée par la violence des persécutions ethniques et la guerre civile. Jacaranda va encore plus loin en racontant les efforts d’un jeune homme, Milan, né d’un père français et d’une mère rwandaise, pour reconstituer le parcours tragique de sa famille sur quatre générations. Le récit dévoile en filigrane le dernier siècle de l’histoire du Rwanda, depuis les racines coloniales du génocide jusqu’à ses douloureuses conséquences contemporaines.

En 1994, Milan a douze ans et est confronté au mutisme de sa mère, qui évite soigneusement d’évoquer son passé et son pays d’origine. Le génocide, bien qu’éloigné, fait irruption dans leur vie à travers les médias, et le silence de sa mère ne fait que s’intensifier. Déterminé à comprendre ce silence, Milan entame une quête qui l’amène au Rwanda, où il passe d’une posture d’étranger, surpris et parfois rebuté, à celle d’un enfant du pays, profondément attaché à la terre de ses ancêtres.

Le récit, tout en retenue et simplicité, est une véritable leçon d’histoire vivante. Au travers de personnages authentiques, Gaël Faye éclaire les mécanismes du génocide rwandais, révélant les responsabilités occidentales dans l’instrumentalisation des ressentiments ethniques à des fins coloniales et politiques. Cette perspective offre au lecteur une révision nécessaire des idées reçues, loin des clichés médiatiques sur la violence ethnique irrationnelle et barbare.

Mais Jacaranda ne se contente pas d’explorer le passé. Il interroge aussi l’avenir d’un pays en quête de reconstruction. Comment se relever dans une société marquée par la défiance ? Gaël Faye montre, à travers le personnage de Stella, les répercussions psychiques du silence sur les nouvelles générations. Secrétaire du Collectif pour les parties civiles du Rwanda, l’auteur lutte contre cette chape de silence, tandis que les juridictions gacaca, inspirées des tribunaux communautaires, tentent de briser l’engrenage de la violence et de la vengeance.

Ce roman, lumineux malgré la gravité de son sujet, est essentiel pour comprendre intimement le Rwanda. Il brise le silence qui entrave la résilience des nouvelles générations et mérite indéniablement le même succès que le multi-récompensé Petit Pays. Une lecture à ne pas manquer pour quiconque souhaite saisir la complexité et la beauté de la résilience humaine.