Ces dernières semaines, vous n’avez pu manquer ces affiches improbables avec Didier Bourdon voilé, Charlotte Gainsbourg en Colonel ou Vincent Lacoste bondissant allègrement au dessus d’une foule militaire et pourtant, féminine. Imaginez une république où les hommes sont brimés, entièrement soumis, et où les femmes occupent les postes clef, un monde dirigé par les femmes. C’est dans cet univers qu’évolue Jacky, sorte de Cendrillon en burqa rouge, maltraité par sa belle famille, et qui rêve d’épouser la fille de la dictatrice en place (Anémone) , la princesse, en somme.
Conte de fées inversé, le film emprunte à divers influences : difficile de ne pas penser à 1984 quand on voit partout des écrans diffusant de la propagande, ou à n’importe quel pays totalitaire quand on voit le culte de la personnalité autour de la chef d’état. Mélangez tout cela à l’histoire de Cendrillon, et vous obtiendrez Jacky au royaume des filles, une satire tournant en dérision l’ordre patriarcal. L’idée est là, potentiellement politique et subversive. Les sexes et leurs rôles sont échangés : ce sont les hommes qui s’occupent de la maison, et les femmes qui détiennent les positions de pouvoir. Les mots importants et autoritaires sont tous mis au féminin : un blasphème devient ainsi « une blasphèmerie ». Et les mots dégradants et ridicules sont masculinisés, comme « culotte », devenue « culottin ». C’est le girl power à outrance, jusque dans la linguistique. Le réalisateur, Riad Sattouf, illustre ainsi la domination sexuelle par le langage, entres autres moyens. La burqa rouge est un autre instrument utilisé pour marquer l’ascendant des femmes sur les hommes. Le rouge n’est pas d’ailleurs sans évoquer La Servante écarlate de Margaret Atwood.
Bien sûr, c’est drôle, car décalé et absurde, totalement inclassable. Les clichés sont mis à mal, et assumés. Il y a du rythme, indéniablement. Pourtant, on ne sort pas de la salle de cinéma pleinement satisfait : c’est bien, mais, comme on dit, cela ne casse pas trois pattes à un canard et on trouve ça finalement plutôt longuet. Les dialogues sont plats, ne resteront pas dans les mémoires : impossible d’en tirer une phrase culte ou deux, même en cherchant bien. Aller le voir ? S’il passe à la télévision, pourquoi pas, au cinéma, c’est carrément dispensable, surtout en ce moment où tant de meilleurs films passent en salles.
Par Kévin
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