Retour d’une séance : Grand Budapest Hôtel

Par-delà une sombre histoire d’héritage et dans l’Europe des années 30, le film retrace les aventures de Gustave H, l’homme aux clés d’or d’un célèbre hôtel européen de l’entre-deux-guerres et du garçon d’étage Zéro Moustafa, son allié le plus fidèle. Nous voilà partis pour un road trip au travers de contrées imaginaires, dans le luxe et les cousins en velours d’un cinq étoiles.

Il m’aura donc fallu 5 jours. 5 jours pour organiser ma pensée, pour savoir quoi en penser. Maintenant que les choses sont à peu près claires, penchons-nous donc sur cet ovni, ce film indescriptible qu’est The Grand Budapest Hôtel. Chose indéniable, ce film est une véritable œuvre d’art. Un Film, avec un grand «F», un hommage au cinéma, le vrai. Entre « cap’tain ‘murica » et autres étrons hollywoodiens, une pellicule d’une telle qualité est un bol d’air frais bienvenu.

On commence traditionnellement (si tant est que l’on puisse appeler cela une « tradition ») par les décors. Une claque. Dans l’esthétique du film, ni trop, ni pas assez. Détaillé où l’on attend du détail, plus épuré où la surcharge nuirait, un mélange parfait. On est plongé dans l’ambiance des grands hôtels de l’époque, strasses et paillettes, un luxe abondant. Mention spéciale pour les scènes montagnardes, dont la réalisation rappelle celle de Fantastic Mr. Fox, autre film de W.Anderson, à la réalisation originale.

Puisque l’on parle de réalisation, il est temps de développer cette appellation « d’œuvre d’art ». Car oui, pour peu que l’on s’en souvienne encore, le cinéma est un art, le septième. Voir un film de cette ampleur permet de s’en souvenir, et de ne pas perdre espoir, parmi les navets que l’on nous sert à longueur d’année. Pour la petite histoire technique, le film est essentiellement tourné en 4/3 (1.37 et 1.85 pour les connaisseurs), ce qui lui confère une esthétique très particulière, que l’on voit rarement dans le cinéma actuel. De plus, les trois formats utilisés s’alternent au cours du film, et sont en adéquation avec l’époque présentée. Petit clin d’œil original et hommage au grand âge du cinéma.

Mais W. Anderson est surtout connu pour son utilisation de nombreux procédés différents lors du tournage. Et ça ne rate pas : incrustation en fond vert, matte painting, stop motion, ombre chinoises, tout y passe. Anderson joue avec l’ensemble comme un peintre joue avec les couleurs.

Le jeu avec les différents plans est aussi extrêmement impressionnant. Savoir placer une caméra est un art. Si vous en doutiez, preuve en est faite avec ce film. Je pense qu’Anderson est pour tout réalisateur apprenti une mine d’information. Contrairement à certains grands réalisateurs – que j’admire, là n’est pas la question – Anderson a une suite de plans tellement simple et logique que l’on se demande comment il peut en être autrement, sans pour autant que l’on ait la moindre idée ou que l’on puisse deviner le plan suivant. Savoir surprendre avec quelque chose d’anodin, voilà la recette.

Grand budapest hotel

J’en parlais dans ma précédente chronique sur Mea Culpa, chaque plan véhicule une idée. L’art d’Anderson est d’imposer par l’organisation des plans une idée inverse de celle tenu par les propos du film. Combien de fois me suis-je retrouvé à rire, tout en me demandant ce qu’il y avait de si drôle !

Et puisqu’un bon film n’est pas un bon film sans de bons acteurs, jetons un coup d’œil à cette liste. Un très bon casting, Ralph Fiennes au meilleur de sa forme, très charismatique et mystérieux dans le rôle de M.Gustave. Mais c’est Tony Revolori qui s’en tire avec les honneurs. 17 ans, une filmographie vierge, on découvre ce jeune talent dans le rôle du groom, qui n’a rien à envier à ses aînés ! Un jeu irréprochable, l’œil, l’esprit juste, un rôle taillé pour ce jeune homme. Parmi les autres rôles, moins importants, on notera la présence de Jude Law, Bill Murray, Wille m Dafoe, Jeff Goldblum, Adrien Brody, mais aussi deux français, Matthieu Amalric et Léa Seydoux. Un excellent casting, en somme.

grand budapest hotel affiche
Dernier point à souligner, la musique, composé par A.Desplat, en pleine ascension vers le panthéon des grands compositeurs de ce siècle. Une musique parfaite, raccord avec le thème dans ses moindres détails, différents thèmes variés et soulignant bien la mise en scène, le cocktail idéal.

Malheureusement, aucun film n’est parfait. The Grand Budapest Hôtel non plus. Cette fois-ci, aucun problème de longueur ou de rythme n’est à déplorer, mais c’est bien sur la durée que se jouent les petites imperfections. Le film est découpé en plusieurs séquences – même si le mot « parties » est préférable – qui rythment le film, en séparant les différentes actions. Celles-ci permettent au spectateur de mieux situer l’action, et améliorent la compréhension. Le problème majeur est que le spectateur se réfère à ces différentes parties, et « découpe » le film, là où ne devrait être qu’une seule entité. De plus, les différentes parties semblent être inégales dans leur longueur et dans leur qualité – mais il ne s’agit là que d’un avis purement subjectif.

Grand budapest hotel 3

Pour conclure, je dirais que The Grand Budapest Hôtel est une pure merveille. Véritable œuvre du septième art, et œuvre d’art à part entière, elle a toute sa place au sein du déjà bien rempli palmarès de réussites d’Anderson. Plus que beau, la mise en scène, l’organisation des plans est en elle-même une institution. A l’instar de Cloud AtlasThe Grand Budapest Hôtel fait partie de mes ovnis – vous savez, ces films où l’on se demande en sortant ce qu’il vient de se passer, mais un véritable bol d’air frais dans le milieu cinématographique. Il est très difficile de conseiller un film à quelqu’un en général, et celui-ci ne déroge pas à la règle. Mais par-delà ces considérations, The Grand Budapest Hôtel est tellement hors du commun que je le rajoute sans aucune hésitation de ma liste des films à voir au moins une fois. Je finirais en osant la comparaison avec un saut en parachute : vous auriez beau expliquer votre ressenti autant que vous pouvez, le sentiment que vous avez senti en vous jetant dans le vide était tellement intense qu’il faut le vivre pour en comprendre réellement la signification. Alors, n’hésitez plus, et jetez-vous à l’eau, vous ne serez pas déçus.

Par Baptiste

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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