Lisa Tuttle est spécialiste de l’horreur, de la fantasy et du fantastique ; elle est même considérée comme un maître de ce dernier genre, à l’instar de Richard Matheson, mais reste assez peu traduite en France. Mélanie Fazi a choisi sept de ses textes les plus fantastiques qu’elle présente dans Ainsi naissent les fantômes, qui a été récompensé par le Grand Prix de l’Imaginaire 2012.
Chaque texte semble commencer de façon assez banale, à l’image d’une histoire tout à fait normale : généralement, il y a un homme, une femme, une situation quotidienne, et de temps en temps une histoire entre les deux. Rapidement, un élément étrange se glisse dans les lignes, un élément que l’on n’identifie pas forcément au premier abord, mais qui contribue à l’installation d’une atmosphère forte, étrange, et parfois créatrice d’un certain malaise. Ainsi, dans Rêves captifs, on suit une enfant capturée par un pervers sexuel, qui la séquestre dans un placard sombre et exigu, dont elle réussit à s’échapper, par un moyen tellement incroyable que personne ne veut la croire : nulle description des sévices n’apparaît, seule la maltraitance psychologique (par l’enfermement) et l’évasion de l’enfant sont au centre du récit. C’est de la chute que provient le malaise, intense, mais qui démontre tout le talent de l’auteur. Les nouvelles sont extrêmement réussies et la chute invite souvent le lecteur à relire le texte, à la recherche des petits détails qui auraient pu lui mettre la puce à l’oreille.
Les textes flirtent tour à tour avec la veine fantastique, la science-fiction ou la fantasy. Cette dernière affleure nettement dans La Fiancée du Dragon, la plus longue des nouvelles, une sombre histoire mêlant lignée magique, grotte, et dragon enfoui. La science-fiction, de son côté, est représentée avec Le Remède : dans la société du Remède, la population a été vaccinée contre toutes sortes de maladies. Contrepartie : le langage disparaît. Oral, écrit, toute communication et cela entrave la vie d’un couple. L’histoire est terrible, glaçante et, cette fois, on ne peut s’empêcher d’essayer d’imaginer les conséquences d’une telle évolution.
En somme, Mélanie Fazi a choisi sept petites pépites littéraires, des merveilles de nouvelles, ciselées à point, et qui permettent de renouer avec la meilleure veine de la littérature fantastique.
Le recueil se clôt sur une entrevue entre l’auteur et la traductrice, qui donne un éclairage plus qu’intéressant tantôt sur les textes, tantôt sur le travail de Lisa Tuttle. Les fantômes du titre, ce sont les rêves éveillés, les amours contrariés, les souvenirs perdus, ces pulsions inavouables mais pourtant si communes. Les fantômes, c’est ce qui attend entre les pages de ce recueil : un recueil idéal pour frissonner, s’interroger, plonger dans des univers fantasmagoriques que l’on quitte à grand regret !
Ainsi naissent les fantômes, Lisa Tuttle. Folio SF, mai 2014. Nouvelles choisies et traduites de l’anglais par Mélanie Fazi.
J’entends beaucoup parlé de ce livre, même si j’ai du mal avec les nouvelles je dois avouer que toutes ces critiques positives me donnent envie de le découvrir 🙂
Un bien beau recueil en effet. Dommage que l’édition de poche ne reprenne pas la très belle couverture des éditions Dystopia.
C’est vrai qu’elle était nettement plus esthétique !
Un excellent recueil de nouvelles fantastiques. De quoi bien frissonner. À noter, si ça t’intéresse, qu’un autre recueil de nouvelles de l’auteur a été publié il y a peu aux éditions Dystopia.
Exactement ! Je ne savais pas qu’il existait un autre recueil, merci pour l’info !
Et voilà… il ne faudrait jamais consulter les sites littéraires un dimanche, quand les librairies sont fermées… après avoir lu cet article, je n’ai qu’une envie : avoir ce livre entre les mains ! Je fonce à la librairie dès demain, et je séquestre la libraire si elle ne l’a pas en magasin.
Alors, finalement, a-t-il été nécessaire de séquestrer une pauvre libraire ?