Flamboyant Tango de la Vieille-Garde

On ne présente plus Arturo Pérez-Reverte : journaliste et romancier espagnol, ses romans mêlant histoire, aventure et enquête ont conquis des milliers de lecteurs de par le monde.
Son dernier-né, Le Tango de la Vieille Garde, est d’aussi bonne qualité que ses titres précédents !

Nous sommes en 1928. Max, danseur mondain, gigolo à ses heures, chasseurs de femmes fortunées se sentant seule, vogue vers Buenos Aires à bord du Cap Polonio. Un soir, alors qu’il hante le salon de bal, comme à son habitude, une proie de choix apparaît au bord de la piste : la sublime Mecha Inzunza, danseuse de tango émérite, épouse du très riche et non moins célèbre compositeur Armando de Troeye. Celui-ci cherche justement à composer un tango original, qui fera date dans l’histoire de la musique, et il demande à Max de leur faire découvrir le tango des origines, ce que le danseur mondain fait avec joie. Tout en nouant une liaison passionnée avec l’épouse du musicien. Liaison qui tourne mal, les bas instincts de Max finissant par, une fois de plus, prendre le dessus.
Le hasard réunira Mecha et Max par deux fois : en 1937, à Nice, alors qu’elle fuit la guerre civile et que lui trempe dans une sombre affaire où ont été volées des lettres compromettantes sur le financement du coup de d’État de Franco, et en 1966, à Sorrente cette fois, où le fils de Mecha dispute un tournoi international d’échecs contre le champion soviétique, sous l’œil vigilant du KGB.

Le roman joue sur plusieurs tableaux : à mesure que s’égrènent les scènes relatives à ce fameux tournoi d’échec, on découvre en parallèle la vie de Max, tout d’abord sur le Cap Polonio et, plus tard, à Nice. Danseur mondain, gigolo, escroc en gants blancs à ses heures… Max a tout du parfait gentleman-cambrioleur. On n’est donc pas surpris lorsqu’il en vient à tremper dans une sombre affaire d’espionnage international… qui pourrait lui coûter bien cher.
Comme toujours, Arturo Pérez-Reverte tisse son intrigue avec un art consommé : passé et présent s’intercalent, se nourrissent l’un l’autre, et alimentent un suspense qui dure jusqu’aux dernières pages. Et l’intrigue est délicieuse : car l’escroc que l’on suit, à force d’amadouer ces dames avec sa gueule d’ange… est celui qui se fait rouler par la farine, et à deux reprises par-dessus le marché. Le roman est truffé de voyous gominés de tous calibres qui se cachent derrière des sourires enchanteurs, d’épouses délaissées mais non moins passionnées, d’aventure pleines de péripéties qui confinent à l’épopée. On retrouve la passion des échecs de l’auteur (déjà évoquée dans La Diagonale du fou), qui sous-tend toute l’intrigue mêlée, cette fois, aux notes envoûtantes des tangos argentins. Le Tango de la Vieille-Garde est autant un roman d’aventure qu’un roman d’ambiance ; celle-ci, prenante, nous plonge dans une époque à la fois rocambolesque et extraordinaire, pleine de ces petits drames et grandes résolutions héroïques qui forgent les plus grands personnages.
Max et Mecha se courent après sur des décennies, dans un jeu sensuel, cruel, parfois dangereux.
La plume de l’auteur est fluide, les descriptions riches, les péripéties subtilement amenées ; le roman est d’une élégance folle, à l’effigie de Max, et se lit avec passion. Difficile de lâcher les aventures du danseur mondain !

Le Tango de la Vieille-Garde prouve une nouvelle fois, au cas où on en douterait, le talent d’Arturo Pérez-Reverte. C’est sans nul doute un des meilleurs romans d’aventure de ces dernières années, flamboyant, parfois mélancolique, romantique et élégant, un roman comme on aimerait en lire bien plus souvent.

Le Tango de la Vieille-Garde, Arturo Pérez-Reverte. Points, 2 octobre 2014. Traduit de l’espagnol par François Maspero.

Par Oihana

A propos Oihana 711 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

1 Commentaire

  1. Bonsoir,
    J’avais déjà très envie de le lire et ce n’est pas votre article qui m’a dissuadé, bien au contraire !! Je crois que je vais en parler au Père Noël…

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