Dès le titre du roman de Will Self, vous êtes prévenus, vous savez que son récit ne pourra qu’être gentiment barré. Le Piéton de Hollywood. Le titre paraît anodin comme cela. Mais quiconque a été dans la ville des stars ou a lu Jean Rolin (Le Ravissement de Britney Spears, POL, 2011) sait qu’à Los Angeles, on ne marche pas, que c’est presque une hérésie que de vouloir parcourir la ville à pied. Qui le ferait, dans une ville conçue pour les voitures ? Vous voilà donc prévenus.
Et effectivement, le héros de Will Self, prénommé… Will Self, c’est plus simple, veut tout bonnement découvrir qui a tué le cinéma. Le discours qu’il tient à son psychanalyste est décousu, un peu incohérent : voilà l’absurde qui se manifeste. Pourtant, le récit commence de manière normale, par l’évocation d’une amitié d’enfance. Notre narrateur se souvient de son ami Sherman, homme de petite taille, artiste de renommée internationale mais qui n’est, dans les premières pages, qu’un enfant pas tout à fait comme les autres, puisqu’il se distingue déjà de la masse par son nanisme. Le narrateur porte un regard fasciné sur cet ami à la gouaille indéniable. Plus tard, il en concevra des tocs : l’habitude de toujours, lorsqu’il entend un nombre, mettons cent, de considérer à la fois dix et mille, le petit comme le très grand. Jusque là, tout va à peu près bien. Le lecteur suit, et notre héros semble à peu près normal. Jusqu’à ce qu’il développe des idées un poil saugrenues, tel le refus de faire sa valise, pour préférer tout embarquer dans une veste aux multiples poches.
Le Piéton de Hollywood est un livre décousu : c’est Will Self lui-même qui le dit en postface. Ce n’est pas à proprement parler déplaisant, mais c’est pour le moins déstabilisant. C’est une belle manière d’illustrer la folie du personnage (ou de l’acteur qui joue son rôle, car le narrateur vit sa vie comme un film, s’imaginant constamment quel acteur jouerait tel ou tel rôle). Le résultat est brillant, mais parfois difficile à suivre. Le Piéton de Hollywood n’est pas de ces livres que l’on dévore en une journée de lecture, il faut se laisser le temps de digérer le récit. C’est un roman qui n’a rien de classique, qui joue avec sa forme : la preuve en est, puisque Will Self met en scène un narrateur qui a le même nom que lui, brouillant la sacro-sainte frontière entre auteur et narrateur. Le résultat est surréaliste, délicieusement absurde, d’une improbabilité charmante. Un peu comme un piéton à Hollywood.
Le titre est original mais j’ai peur que le fait que le livre soit décousu me dérange ! A voir donc.