En 1954, un arrêt de la cour suprême américaine, Brown vs. Board of Education, met fin à plus de cinquante ans de ségrégation raciale dans le milieu scolaire. Cependant, de la même manière que le droit de vote des Afro-américains (accordé en 1870 mais véritablement répandu en 1965 avec le Voting Rights Act) a mis très longtemps à s’imposer, la ségrégation raciale dans les écoles n’a pas cessé du jour au lendemain : certains états ont fait de la résistance pendant plusieurs années, utilisant tous les moyens possibles et inimaginables pour retarder l’échéance, y compris le plus détestable : la violence.
Le roman de Robin Talley se passe en 1959, dans la petite ville imaginaire de Davisburg, en Virginie. Cela fait cinq ans que la ségrégation est abrogée, mais jamais jusque là le lycée local n’a accueilli d’étudiant noir. Il a même fermé totalement pendant plusieurs mois pour essayer de décourager la branche locale de la NAACP (une organisation de défense des droits des Afro-Américains).
Le jour où le récit commence, Sarah, une élève de terminale noire, s’apprête à faire sa rentrée dans un lycée devenu enfin mixte. Aux côtés d’une poignée d’autres lycéens de couleur, elle essaie de briser des décennies de racisme et de préjugés. Mais la petite troupe est accueillie par des insultes et des crachats. L’intégration ne sera pas une chose facile et le lecteur, choqué par la violence de la scène, craint le pire.
A l’autre extrémité de l’échelle sociale, il y a la jeune Linda Hairston : belle, populaire et déjà secrètement fiancée, la jeune fille est résolument contre la déségrégation. Mais, contrainte de travailler sur un devoir scolaire avec Sarah, elle va apprendre à la connaître. Peu à peu les deux jeunes filles vont s’attacher l’une à l’autre… et même ressentir les prémices d’un sentiment plus profond.
Roman extrêmement réaliste et admirablement documenté, Des mensonges dans nos têtes se fait le témoignage d’une période assez peu reluisante de l’histoire américaine : le lecteur découvre, effaré, que le vieux Sud n’a jamais réussi à passer outre l’abolition de l’esclavage, et resterait presque une zone de non-droits. Les autorités locales, si elles sont promptes à condamner les Afro-Américains, sont en revanche bien heureuses de fermer les yeux face aux violences dont ils sont victimes. A l’échelle scolaire, les professeurs préfèrent feindre de ne pas voir les boulettes de papier dont sont mitraillés les étudiants noirs ou les traces de crachats qui maculent leurs vêtements et, en cas de plainte, donnent systématiquement raison aux lycéens blancs. Fière et digne, Sarah essaie d’ignorer les vexations quotidiennes, mais ne peut s’empêcher de se révolter intérieurement. Face à Linda, en revanche, elle n’hésite pas à s’exprimer : de véritables joutes verbales interrompent leur travail scolaire alors qu’elles travaillent cachées dans la réserve d’un magasin, pour préserver la réputation de Linda.
C’est une véritable prise de conscience qui secoue Linda : fille d’un partisan particulièrement virulent de la ségrégation, elle réalise peu à peu à quel point son père est dans l’erreur. L’adolescente qui, au début, assénait des « mon père dit ceci, mon père dit cela » apprend enfin à penser par elle-même. Robin Talley aborde alors un autre thème, celui de l’homosexualité féminine à une époque qui n’est pas particulièrement tendre envers la différence…
La peur de l’irréparable, du lynchage pèse sur Sarah et ses amis : tous ont encore en tête l’horrible destin du petit Emmett Till, abominalement mis à mort par deux hommes à seulement quatorze ans. C’est un roman sans concession, à découvrir absolument à la rentrée !
Ce roman a l’air de beaucoup ressembler à Sweet Sixteen de Annelise Heurtier
Je veux absolument le lire celui ci !