Ce roman, autant vous le dire tout net, d’emblée, est fascinant : le lecteur est aspiré, implacablement, par l’histoire que nous conte Florence Noiville.
Une histoire toute simple, au fond, mais diablement efficace. Laura est bien installée dans sa vie : journaliste pour la télévision, elle adore son métier, et coule des jours heureux auprès d’Eduardo, son compagnon. Mais bientôt, son quotidien se fissure : sa collègue C. commence à se comporter de manière véritablement étrange. Cela commence de manière très anodine, mais la narratrice ne peut se départir d’une sensation de malaise persistante. Elle se sent observée, suivie. C. lui tient un discours déconcertant. Elle est persuadée que Laura l’aime et ne veut se l’avouer.
C’est en demandant conseil à un ami psychiatre que Laura entend parler pour la première fois du syndrome de Clérambault, que l’on peut décrire comme l’illusion délirante d’être aimé. Il suffit d’un rien pour faire basculer le malade, qui se persuade que l’objet de son délire est fou amoureux de lui. Laura se passionne pour cette maladie, et le lecteur avec elle ! Florence Noiville décrit avec brio la virulence du syndrome, et la sensation d’étouffement qu’éprouve la personne qu’un « Clérambault » poursuit de ses assiduités. Appels, lettres, cadeaux, visites impromptues : un « Clérambault » ne vous laisse jamais en paix. Et bien souvent, vos proches ne voient rien. Pire ! C’est de votre santé mentale qu’ils peuvent douter, en vous jugeant paranoïaque, si vous vous avisez de leur expliquer…
Alors que Laura se documente de plus en plus sur cette pathologie, C. se fait de plus en plus menaçante, maniant avec talent la manipulation pour mieux isoler sa proie. Comme Laura, on se sent pris au piège, le roman se fait implacable. Florence Noiville réussit avec beaucoup de talent à susciter de l’empathie pour sa narratrice : on s’identifie totalement à cette femme curieuse et dynamique, déstabilisée par l’obsession qu’elle provoque chez sa collègue. L’angoisse sourd du livre : Laura en vient à s’interroger sur son identité même, sur sa santé mentale. Une folie peut-elle être contagieuse ? Une obsession peut-elle se transmettre ? Peut-on être dépossédé de ce qui constitue notre être ? Laura se sent peu à peu étrangère à sa propre vie. C. est dans toutes ses pensées. Que va-t-elle encore inventer ? C. est comme une araignée qui tisse sa toile, implacablement, autour de Laura. Mais Laura n’en rajoute-elle pas également un peu ? Ne tombe-t-elle pas vraiment dans la paranoïa ? Le lecteur se pose la question à plusieurs reprises.
Bien sûr, en refermant ce roman, le lecteur songe soudain à la soudaineté avec laquelle la maladie peut s’amorcer. Un regard dans la rue peut faire de votre vie un enfer… C’est troublant… à l’image du roman de Florence Noiville.
Une réussite !
L’Illusion délirante d’être aimé, Florence Noiville. Stock, 2015.
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