Depuis des années, de nombreux livres sur la seconde guerre mondiale sont sortis : nombre d’entre eux évoquent la déportation. Cependant, ces livres évoquent presque exclusivement les camps de concentration allemands. Là où Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre apporte un aspect neuf à l’Histoire, c’est en traitant les déplacements de personnes dans les états baltes par l’URSS stalinienne. Comme l’on lit Si c’est un homme ou L’écriture ou la vie, l’on devrait également lire « Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre », récit fictif écrit à base de témoignages de personnes ayant vécu la déportation en Sibérie.
En 1939, l’URSS envahit la Lituanie. En 1941, Staline commence à ordonner la déportation de milliers de lituaniens, estoniens, finlandais qui ne correspondent pas à l’idéal soviétique : intellectuels, résistants, artistes.
Lina a quinze ans en 1941 : une nuit, le NKVD vient les chercher, sa mère, son frère et elle. Le calvaire commence pour la jeune fille : le trajet dans des wagons à bestiaux surpeuplés, la faim, la maladie, le travail dans une exploitation agricole, le froid, l’humiliation. En l’espace de quelques mois, elle perd son identité, son humanité, mais elle garde espoir : espoir de retrouver un jour son père, de pouvoir rentrer à la maison, sauvée par les américains…
Ce livre est une véritable claque, une de ces expériences de lecteur qui ne laissent pas indifférent. L’auteur, d’origine lituanienne, a fait un travail minutieux d’historien pour réunir faits concrets et anecdotes afin de dresser un portrait réaliste de la vie des lituaniens déportés en Sibérie. Tout est décrit de façon parfois crue, mais jamais inutilement violente. Tant de haine et d’horreur secouent pourtant fortement. Cependant, c’est une prise de conscience nécessaire. Le livre n’est pas facile, forcément. Il est effectivement bouleversant. Le lecteur est happé par l’histoire dès les premières pages et observe avec une horreur grandissante ce qui arrive à Lina, Jonas et leur mère, ainsi qu’à ceux qui partagent leur wagon : une institutrice, un vieux bougon à la jambe brisée et aux mots parfois d’une dureté sans nom, une jeune accouchée…
Lina est une artiste. Avec son petit frère Jonas et sa mère, elle essaie de rester digne et intègre. Chaque jour est un combat, pour trouver un morceau de pain, un peu d’eau, du bois, de la chaleur. Ruta Sepetys montre la lente évolution de Lina et des siens, qui oublient peu à peu le sentiment de satiété, de pudeur et de confort, ce que c’est que de rêver ou de penser à l’avenir. De choyés, privilégiés, et terriblement enfantins, Lina et Jonas se muent en enfants vieillis avant l’heure, prêts à tout pour survivre. Cependant, le petit groupe continue à s’entraider, à espérer, à s’accrocher à leur humanité.
Tout au long du récit, la jeune fille dessine : elle observe le monde, et tâche de transcrire son quotidien de douleurs, de faim et de labeur interminable. L’auteur décrit avec précision la maladie (scorbut, dysenterie et typhus), les violences commises par les surveillants, la mort, l’humiliation perpétuelle. C’est sûrement un livre très dur à lire à quinze ans : à vingt, il est déjà très difficile à lire. Pourtant, je crois qu’il faut vraiment que les jeunes lecteurs lisent ce livre. Il est incontournable.
il a l’air interessant, je note
Un livre que j’ai aussi reçu par Gallimard et que j’ai hâte de lire ! Très bonne critique !
J’aimerais beaucoup le lire, le sujet a l’air intéressant et touchant. La couverture est très belle !
Je n’en avais pas encore entendu parler, et ce que je lis dans ton billet me donne envie de le découvrir !!
Fonce, c’est un livre génial !