En 1942, le docteur Janucz Korczak accompagne ses orphelins du ghetto de Varsovie sur la route vers les chambres à gaz de Treblinka, ayant refusé de les abandonner ; une dernière route décrite par de nombreux témoignages, comme celui de Joshua Perle ou de Władysław Szpilman dans Le pianiste.
Ces enfants, le docteur Korczak les avait d’abord recueillis dans une vaste demeure de Varsovie, avant d’être relégués au fin fond du ghetto. Irène Cohen-Janca et Maurizio A. C. Quarello consacrent à cette figure emblématique de la lutte pour les droits des enfants un très bel album aux éditions des Éléphants.
Novembre 1940. 170 enfants juifs marchent dans les rues de Varsovie, le cœur serré mais la tête haute. Comme des milliers d’autres juifs, ils sont déplacés dans le ghetto de Varsovie, obligés de quitter la demeure cossue qui abritait l’orphelinat pour des maisons de plus en plus petites, à mesure que le ghetto est rétréci.
C’est Simon, un des enfants de l’orphelinat qui nous raconte l’histoire, de façon très simple – et poignante. Du moment où ils ont dû quitter la grande maison de la rue Krochmalna, au moment où ils sont expulsés du ghetto, direction Treblinka, en passant par l’arrivée dans le ghetto, où on leur vole leur chariot de pommes de terre.
Le texte est extrêmement accessible, car c’est avec l’étonnement et le vocabulaire d’un enfant que l’histoire est contée. Mais elle n’en est pas pour autant simpliste car, du haut de son jeune âge, Simon a une conscience aiguë de ce qui est en train de leur arriver et de l’issue funeste qu’ils risquent de connaître.
« C’est le même pays, la Pologne, la même ville, Varsovie, c’est tout près de la rue Krochmalna, et pourtant l’autre côté est comme un pays étranger. »
Simon décrit leurs préoccupations (obtenir l’autorisation d’aller jouer dans un parc éloigné, le rétrécissement du ghetto, la faim, l’entassement auquel on les condamne…) et la vie quotidienne à l’orphelinat (les heures d’étude, les journaux qu’ils écrivent, les discussions entre camarades, la création d’une pièce de théâtre ou les séances nostalgiques au cours desquelles ils racontent aux plus jeunes « la vie d’avant »). Difficile, au fil des pages, de ne pas sentir sa gorge se serrer…
Au récit de la vie dans le ghetto est croisée la biographie du docteur Janusz Korczak, dont l’action et les travaux ont posé les bases de la Convention internationale des droits de l’enfant : la façon dont, portant l’uniforme, il a tenté d’intercéder en faveur des enfants auprès de l’administration, ou la façon dont il a pris la tête du cortège quittant le ghetto pour marcher sur Treblinka. Les auteurs rendent hommage tant aux victimes des exactions commises pendant la guerre qu’à l’action continue en faveur des enfants du docteur Korczak.
Le dessin, tout en crayonnés et tons sépia, souligne l’extrême aridité de cette vie de prisonniers mais s’attache aussi à mettre en valeur les petits gestes de réconforts, les rares instants de bonheur que connaissent les enfants et la complicité qu’avait tissée le « Pan Doktor » avec « ses » enfants.
C’est donc un très bel album que signent Irène Cohen-Janca et Maurizio A. C. Quarello sur la vie des orphelins juifs dans le ghetto de Varsovie et l’action du docteur Janusz Korczak : un album dur, certes, mais qui véhicule aussi un message de bienveillance et d’humanité. A mettre entre toutes les mains !
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