ROMAN ADO — Une braise sous la cendre était un des romans jeunesse les plus attendus de l’automne : une couverture esthétique, une quatrième de couverture accrocheuse, un titre qui évoque la rébellion qui couve… Tout y était pour attirer le lecteur. Qu’en est-il au final ?
Depuis que les Martiaux, un peuple belliqueux à l’armée redoutable, ont soumis les Érudits, ceux-ci n’ont plus le droit de lire ou d’écrire. Quand ils ne sont pas tout bonnement réduits en esclavage, ils vivent dans la misère et dans la peur. Sur la foi d’une simple dénonciation, le corps d’élite des Martiaux, les Masks, peut débarquer chez n’importe quel Érudit, assassiner sa famille, et le traîner dans une prison où il sera torturé et finalement tué. Laia est une jeune Érudite qui vivait chichement jusqu’à ce que les Masks tuent ses grands-parents et embarquent son frère Darin. En fuite, la jeune fille part en quête de la Résistance, prête à tout pour sauver son frère. Même à risquer sa vie en espionnant à Blackcliff, l’institut de formation des Masks.
Elias, lui, est sur le point de terminer son parcours à Blackcliff, après des années de souffrance et de privations. Mais, contrairement à ses camarades, Elias n’est pas heureux, et projette même de fuir l’école et la vie de violence et de pouvoir qu’elle lui promet. Laia et Elias n’ont rien en commun, mais leur rencontre va faire des étincelles…
Une braise sous la cendre utilise tous les ressorts dramatiques qui font des romans pour adolescents d’aujourd’hui les blockbusters de demain : on trouve un univers brossé de manière intelligente, des personnages jeunes et idéalistes qui rêvent de renverser le système, qui est bien sûr injuste et tout-puissant, de l’action à tire-larigot, et, bien sûr, le traditionnel triangle amoureux. C’est rigoureusement efficace, on sent que Sabaa Tahir sait parfaitement quelles ficelles tirer, tout semble millimétré, et prévu pour provoquer une crise de « page-turning » aiguë. Mais si le roman se lit indéniablement avec plaisir et rapidité, on ne peut s’empêcher de se dire qu’il manque le petit quelque chose qui fait qu’on se cramponnera bel et bien aux pages. La petite étincelle, en somme.
Bien sûr, Sabaa Tahir fait tout pour se démarquer des autres, quand bien même les thèmes abordés sont déjà bien balisés : elle imagine ainsi un univers qui n’est pas sans rappeler la Rome Antique (avec une nette préférence pour les noms latins pour ce qui est des Martiaux) mais également l’Orient (Sabaa Tahir fait ainsi fréquemment référence aux légendes orientales, et notamment à leurs créatures fantastiques, comme les djinns et éfrits). Elle donne voix à deux personnages, une fille et un garçon, afin de nous permettre d’apprécier aussi bien le combat des Érudits que la vie des Martiaux, et alterne entre ces deux points de vue avec talent. Ces deux aspects du roman sont vraiment sympathiques.
Malheureusement, on nous impose encore le sempiternel triangle amoureux… par DEUX fois, qui plus est ! Laia et Elias étant chacun au centre du sien… Cela ne vous étonnera probablement pas si nous vous révélons qu’ils éprouvent l’un pour l’autre une attirance difficile à nier. On est tenté quelques fois de lever les yeux au ciel. Nos héros, bien qu’en proie à des problèmes plutôt costauds, pensent toujours à batifoler : m’aime-t-elle ? Va-t-il m’embrasser ? Merci les hormones ! Ceci dit, nous ne pouvons guère blâmer Laia : Elias est l’exemple type du book boyfriend par excellence. Il est beau, sexy, intelligent, fort, et torturé. Elias est un tueur malgré lui, et il cache de nombreuses failles (il a ainsi de nombreux problèmes avec sa mère !)… Il a tout du beau ténébreux. Laia, à l’inverse, est un peu lisse. Elle se démarque certes par son courage, mais ne brille pas par son charisme. Les personnages secondaires, eux, manquent un peu d’âme à l’exception peut-être d’Helene, l’amie d’Elias. Marcus, l’ennemi d’Elias, n’est qu’un méchant ricanant porté sur le viol et les coups bas, et manque singulièrement de profondeur, malgré la brève tentative de l’auteur de lui donner une véritable contenance.
Bien plus que les personnages, dont on a vu que seul Elias sort vraiment du lot, l’un des points forts du roman de Sabaa Tahir réside dans cette opposition entre Martiaux et Érudits : l’auteur évite (heureusement) l’écueil du manichéisme et nous montre qu’il existe aussi bien des Érudits fourbes et manipulateurs que des Martiaux dignes de confiance… Reste à voir comment Elias et Laia s’allieront pour renverser l’Empire, utilisant, à n’en pas douter les atouts des uns et des autres, à savoir la Résistante érudite comme la formation de choc des Masks…
Le deuxième tome sera à n’en pas douter déterminant : espérons que Sabaa Tahir parviendra à faire de Laia une véritable héroïne, prête à mener la révolution !
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