Aurores boréales, volcan au nom imprononçable et effondrement financier de 2008, l‘Islande aurait pu rester une île limitée à des reliefs saisissants et à une nature impétueuse sans la lecture du livre Les Islandais de Gérard Lemarquis : cet essai, à la fois enquête, interview, portrait et reportage permet de découvrir les habitants de l’Islande et d’appréhender mode de vie, de pensée et spécificités. Publié par les Ateliers Henry Dougier, cet ouvrage a été un des premiers de la collection Lignes de vie d’un peuple, qui revendique de porter « un regard impliqué et libre sur nos sociétés », en ouvrant le champ « vers le haut et vers le large ».
Il faut noter la force de la couverture, fond noir et paume de main ouverte sur laquelle se dessine une carte d’Islande, image forte et riche de sens. Ce visuel, créé par l’artiste photographe Céline Boyer, se décline sur les autres volumes de la collection, désormais riche d’une dizaine de volumes et en est devenu la signature.
Avec son format de 144 pages, Les Islandais est un petit livre synthétique et agréable à lire, qui raconte une population, ses valeurs, ses parcours individuels ou collectifs, ainsi que ses attentes et ambitions. Par le biais d’entretiens et de témoignages, l’auteur, Gérard Lemarquis, laisse la parole à des individus, de tous âges et de toutes fonctions. Parmi eux, plusieurs personnalités du monde politique, intellectuel ou artistique, mais aussi des anonymes et des jeunes, ont été interrogés par Gérard Lemarquis, qui fut longtemps correspondant de l’AFP en Islande.
Au fil des rencontres, on apprend que l’Islande est un pays peu peuplé, plutôt jeune, que sa natalité reste forte parmi les pays occidentaux, et que d’une façon ou d’une autre, chaque Islandais a un lien de parenté avec un membre du gouvernement. On s’amuse de savoir que chaque Islandais est doté à sa naissance d’un kenitala, (numéro d’identité qui le suivra toute sa vie) parfois bien avant d’avoir un prénom : la loi donne en effet six mois aux parents pour choisir le prénom de leur enfant, qui se détermine en apprenant à connaître celui qui vient de naître…
On découvre un peuple longtemps peuple de pêcheurs et de voyageurs, qui se décrit comme arrogant, libre, parfois immature, dépensier, mais farouchement optimiste, « cela finira par passer » pouvant être une devise nationale. Les Islandais ne sont pas un peuple scandinave comme les autres : colonisés et soumis à l’autorité du Danemark pendant des siècles, ils ont su garder leur identité, en particulier leur langue et leur histoire, transmises depuis le XIe siècle par les Sagas, ces récits légendaires et fondateurs, et sont très fiers de leurs origines multiculturelles, qu’elles soient celtes ou vikings. Leur langue, qualifiée de primitive car elle a, semble-t-il, peu évolué depuis le Moyen-âge, est un profond marqueur d’identité collective : ainsi, même quand un Islandais est à l’étranger, sa langue se pratique et se partage, car étant faite de nombreuses déclinaisons et conjugaisons, elle a besoin d’être entretenue pour rester courante.
Comme d’autres peuples insulaires, si les Islandais voyagent beaucoup et étudient souvent à l’étranger, ils sont très attachés à leur île, terre à la fois hostile, merveilleuse et riche.
Face aux questions du journaliste, simples citoyens, intellectuels, artistes ou personnages politiques analysent leurs spécificités, reconnaissent leurs qualités et leurs erreurs, en particulier la fièvre financière des années pré-crise. De leur chute en 2008, certains tirent des leçons et tous aspirent à construire une société différente : équitable, ouverte à tous, équilibrée.
Véritable laboratoire social avant et depuis la crise, les Islandais essayent, rebondissent, expérimentent… Du côté éducatif, on insiste sur l’autonomie, le système pousse à la réussite et cultive la valeur « travail », du côté économique on mise sur l’énergie qui foisonne en ce pays, et sur le tourisme en plein boom ces dernières années, sur le plan social, on vise la justice, la transparence et l’équité.
Alors l’Islande, un paradis ? Non, mais des hommes et des femmes attachants et que l’on a envie de rencontrer en chair et en os pour poursuivre la discussion au-delà du livre !
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