Moi, Charlotte Simmons, Tom Wolfe

Les universités américaines font rêver les lecteurs français, qui se figurent des campus prestigieux, où l’élite de la Ivy league prépare l’avenir, et met au point des réseaux sociaux côtés en bourse. C’est à cette image dorée que s’attaque Tom Wolfe dans Moi, Charlotte Simmons, ou la rencontre entre une jeune provinciale aux valeurs morales solides et la fameuse élite universitaire débridée et sexuellement très active. Mais pas que…

Charlotte est une élève brillante, issue d’une famille pauvre mais méritante, aux principes rigoureux. Major de sa promotion, la jeune fille vit à Sparta, dans les montagnes, et est la première de son lycée à aller dans une université prestigieuse, en l’occurrence Dupont, l’égale de Harvard ou de Yale.

Le décalage est grand pour la jeune fille, habituée à un entourage un peu plouc, mais strict. Elle, à qui l’on a appris que la virginité est un trésor, découvre de véritables orgies sur le campus, et doit vivre dans une résidence mixte, où elle peut croiser des garçons dénudés à n’importe quel moment. Tel un mantra, Charlotte se rappelle qui elle est : Charlotte Simmons, la meilleure élève de son état, récompensée en terminale par une rencontre avec le président à Washington. Elle tente de garder le cap et de rester concentrée sur ses études. Mais quand sa candeur et sa beauté robuste attire le regard d’un des playboy du campus, parviendra-elle à résister à la tentation de devenir, elle aussi, une jeune fille populaire ?

Dès l’arrivée de la jeune Charlotte sur le campus, le lecteur grimace à l’avance, imaginant tout ce qui, dans une faculté américaine, est susceptible de choquer une jeune fille aussi naïve que gentille. Charlotte est intelligente, et est tout de suite consciente du contraste entre ce qu’elle a toujours vécu et la vie à l’université. Dès ses premiers pas à Dupont, elle prend mentalement note de tout ce qui ne va pas : ses jeans trop taille haute, le choix de ses parents en matière d’habillement ou de restaurants, la frugalité de sa garde-robe. Sa rencontre avec sa colocataire, une jeune fille anorexique portée sur la boisson et littéralement scotchée à son téléphone portable lui fait comprendre qu’en matière de jeunesse, elle fait figure d’ovni. Car Charlotte ne boit pas, elle ne fume pas, et surtout, elle ne couche pas. Or, à Dupont, le sexe est aussi important que les études : même la bibliothèque universitaire est devenu un haut lieu de drague et de rencontres. Charlotte doit se faire à une cohabitation forcée avec les garçons, dans sa résidence mixte, mais également aux règles tacites du campus. A ses dépends, elle découvre ce qu’est un « sexil » (être mis à la porte de sa propre chambre parce que sa ou son colocataire reçoit quelqu’un du sexe opposé), que les fêtes étudiantes n’ont rien de bon enfant, et que l’on est tous jugé à l’aune de sa vie sociale. Vie sociale presque inexistante pour Charlotte, bien qu’elle attire bien malgré elle, les regards de trois jeunes mâles, ébloui par sa candeur virginale et sa beauté simple et sans fard.

Tom Wolfe ne nous épargne rien de la lente chute de Charlotte : pas un détail sordide, pas une remarque grossière ne nous échappe. Il retranscrit même le langage des étudiants, avec force insultes et jurons, évoque ces fameuses soirées étudiantes où la bière coule à flot, où l’on fume des joints et où l’on fornique dans les couloirs. L’étudiant français que nous sommes, serons ou fûmes est presque choqué de l’ambiance qui règne sur le campus, et du poids des conventions sociales. En France, à la fac, plus personne ne s’intéresse au type de jean que l’on porte ou à la fréquence de nos rapports sexuels, préoccupations plus lycéennes qu’universitaires. Mais dans le monde clos de l’université américaine, où l’on est enfermé avec ses pairs vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, il est difficile de faire bande à part et de ne pas ployer sous la pression. Toute sérieuse qu’elle est, Charlotte elle-même succombe peu à peu et oublie ses scrupules. La petite oie blanche un peu agaçante du début devient le dindon de la farce : ses valeurs sont tournées en dérision, dès lors qu’elle les oublie un instant.

Charlotte est effarée face à tout ce qu’elle découvre à Dupont, notamment sur le statut des sportifs. Le choc culturel qu’elle expérimente est l’occasion pour Tom Wolfe de montrer, et de dénoncer les travers des facultés américaines, qui placent les sportifs très haut dans la hiérarchie du campus et leur octroient des privilèges grâce à l’argent et au prestige que les équipes rapportent.

Moi, Charlotte Simmons est un pavé de 1 000 pages qui se dévore pourtant en un rien de temps, tant on est pris par le destin de cette jeune fille. Parviendra-t-elle à se relever après sa descente aux enfers, ou abandonnera-t-elle l’université ? Je vous laisse le découvrir…

Moi, Charlotte Simmons, Tom Wolfe. Pocket, 2007.

 

 

 

11 Commentaires

  1. J’ai toujours reculé devant le nombre de pages de ce roman (alors que je ne dédaigne pas un pavé de temps à autres…) mais ta chronique me redonne envie d’y jeter un coup d’œil! Ce sera l’occasion de me replonger dans le monde étudiant, vu que je viens d’en refermer la porte!

  2. Chronique très intéressante !
    Moi qui avais une image ultra idéalisée de la fac américaine, c’est un petit choc.
    Bon, j’ai déjà craqué pour Les Débutantes, alors je vais attendre un peu pour celui-ci, mais il a piqué ma curiosité.

  3. Exactement ! « Moi Charlotte Simons » est une critique acerbe sur les universités américaines. Je me souviens de l’avoir lu à sa sortie et étant assez jeune à ce moment là, certains passages m’avaient particulièrement choquée. Mais ça se lit bien et c’est très intéressant !

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