Si, en France, la nouvelle est un genre mineur et le roman est tout puissant, en Corée du Sud, elle est bien souvent le moyen le plus noble d’entrer en littérature. Les éditions Philippe Rey ont réuni quelques textes qui sont autant d’ouvertures sur un pays que le lecteur français connaît en général bien mal : toutes récentes, les nouvelles s’attachent à nous plonger dans un aspect toujours différent de la société coréenne : les traditions, les relations familiales, le travail, l’immigration sont autant de thèmes que traite le recueil. Nous découvrons une Corée bien éloignée des clichés du monde occidental : Séoul apparaît sous la plume des nouvellistes parfois bien inhospitalière, quand, par exemple, le héros de la nouvelle qui a donné son titre au recueil l’arpente en taxi. La vie malmène souvent les personnages que l’on rencontre au fil des pages.
Les nouvelles nous touchent toutes différemment : on sort souvent d’un recueil avec la sensation d’avoir lu des textes inégaux, certains nous ayant marqué bien davantage que d’autres. C’est particulièrement le cas avec Nocturne d’un chauffeur de taxi, où trois nouvelles semblent se détacher particulièrement des autres : « Semailles » de Jo Kyung-Ran, « La maison en Lego » de Yoon Sung-Hee et « La fabrique de conserves », de Pyun Hye-Young.
Pourquoi ces trois nouvelles ? Comment ne pas être touché par l’héroïne de « Semailles », quand, exilée à Tokyo avec son père pour aider une sœur blessée, elle se retrouve face à elle-même et à son alcoolisme ? Comment ne pas être marqué par l’usine de « La fabrique de conserves », où l’on apprend qu’une conserve peut contenir bien d’autres choses que du maquereau ou des pêches ? Comment ne pas s’émouvoir face à une famille aussi démunie que dans « La maison en lego », nouvelle par ailleurs d’une grande puissance d’évocation ?
On sort de ce recueil un peu démuni : si certains textes se démarquent clairement, certains laissent perplexes et déroutent le lecteur qui n’a pas forcément l’habitude des nouvelles, ou de la littérature asiatique. C’est en somme un recueil qu’il est difficile de lire d’une traite, qu’il faut parfois reposer un temps, avant de reprendre. Des nouvelles que l’on déguste au coup par coup et sur lesquelles on peut par la suite tranquillement méditer.
Nocturne d’un chauffeur de taxi, Collectif. Philippe Rey, 2014.
C’est bien dommage que la nouvelle soit considérée chez nous comme un genre mineur… bien exécutée, elle est, pour moi, l’expression littéraire la plus aboutie. Mais il faut dire aussi que la plupart des grands auteurs de nouvelles sont étrangers, ceci explique peut-être cela… quoi qu’il en soit, ton article me donne très envie de découvrir cet auteur coréen. Et voilà, un de plus sur ma liste d’achats… je vais finir ruinée si ça continue !