Ils sont quatre, amis depuis l’enfance. En 1981, lors de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, Paul, Tanguy, Rodolphe et Benoît passent leur baccalauréat et sont sur le point de commencer leur vie adulte. En 2012, un autre François, François Hollande, est élu à l’Elysée. Vient l’heure du bilan pour nos quatre amis : que sont-ils devenus pendant ces trois décennies ? Sont-ils encore amis ? Ont-ils suivi leurs rêves, conservé leur ambition, réussi leur vie, en somme ?
Nous suivons avec bonheur ces quatre jeunes hommes aux envies bien différentes et aux personnalités bien déterminées. Paul, le héros, essaie d’apprivoiser sa sexualité et de s’épanouir à l’ombre d’un père qui le critique sans cesse. Tanguy rêve de brillantes études en école de commerce, et Rodolphe de politique. Benoît, lui, n’a pas de plan de vie : il se laisse porter. Le groupe est soudé, et leur amitié a la fraîcheur de l’adolescence, elle sonne juste. Saisi dans un contexte vaste (familial, professionnel, amoureux), ces personnages grandissent sous nos yeux : nous les découvrons quadragénaires dans la seconde partie du roman. Le roman d’apprentissage se fait sociétal : la notion de réussite est alors au cœur de l’intrigue. Ainsi, si Tanguy a réussi sa carrière, que dire de sa vie de famille, lorsque celle-ci s’effondre ? Quel bilan en dresser ? Et Rodolphe, dont l’opulence matérielle s’avère un frein à sa carrière politique au sein du parti socialiste, est-il satisfait de sa vie à l’aube des années 2010 ? Qu’est devenue la vocation politique ? Croit-on au moins encore à l’action politique ? Incarnée par le père de Rodolphe, toute une génération semble désabusée et déçue par le pouvoir. L’arrivée au pouvoir de Mitterrand n’a pas été la grande victoire escomptée.
Ces sept cents et quelques pages se dévorent avec grand plaisir. Attaché aux personnages, désireux de savoir ce qu’ils vont devenir, si leur quête de bonheur et de réussite aboutira, le lecteur ne voit pas les pages se tourner. Paul est probablement celui que nous suivons avec le plus d’intérêt : « monté » à Paris dans les bouillonnantes années 80, Paul fait l’expérience des premiers émois amoureux à une époque où le Sida commence à frapper… Ce récit n’est pas sans rappeler le roman A nous deux Paris, en plus satisfaisant, en plus complet.
Portrait saisissant des années 80, mis en parallèle avec un instantané des années 2010, Le Bonheur national brut est une fresque romanesque et sociétale très réussie, témoignage d’une génération bercée d’idéaux.
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