Le Livre du roi : les bibliophiles mènent l’enquête

On connait généralement l’Islandais Arnaldur Indridason pour ses polars mettant en scène le célèbre inspecteur Erlendur : dans Le Livre du roi, l’enquête est également au rendez-vous, mais l’ambiance est différente : aux scènes de crime et aux locaux de la police criminelle se substituent des bureaux d’universitaires et des bibliothèques studieuses. Et nos enquêteurs de choc n’ont rien de professionnels aguerris : à la barre, un professeur et son étudiant, partis à la recherche d’un des joyaux littéraires du pays ! On est loin d’Indiana Jones, ou encore de Sherlock Holmes !

1955 : Valdemar, jeune étudiant islandais, débarque à Copenhague pour étudier les classiques nordiques. Bibliophile, passionné de littérature islandaise, le jeune homme tente de prendre ses marques dans une ville inconnue quand il rencontre le professeur, éminent spécialiste des textes antiques islandais. Mais les années ont passées, et le professeur a perdu de son panache : alcoolique et en disgrâce, l’homme semble ne vivre que pour une obsession : le célèbre manuscrit du Livre du roi.

Nul ne sait que ledit manuscrit lui a été dérobé pendant la seconde guerre mondiale : depuis dix ans, le professeur fait illusion, et cache le forfait. Valdemar  va devenir son disciple… et son acolyte dans une incroyable aventure avant de remettre la main sur le trésor national disparu.

Passé un début un peu aride, où le lecteur est vite désarçonné par les références nombreuses à une culture islandaise généralement méconnue du lecteur francophone, nous rentrons pleinement dans cette drôle d’enquête qui entraîne nos deux héros dans différents pays d’Europe, sur les traces du manuscrit disparu. Inutile de dire que nos deux universitaires n’ont rien d’enquêteurs de choc : ils se retrouvent bien vite dans des situations compromettantes, d’autant plus qu’ils ne sont pas seuls à chercher le Livre du roi. L’histoire met du temps à s’installer : il faut passer outre ce rythme un peu lent et plat, un peu trop contemplatif du début, car, une fois, dans le vif du sujet, tout s’enchaîne avec fluidité.

9782757846490

Indridason nous offre une formidable ode à la littérature de son pays : le lecteur a beau être un peu perdu au début, il finit par être séduit par ces descriptions d’odes épiques et de poèmes nordiques. Le cheminement de ces œuvres, véritablement romanesque, tantôt perdues, tantôt retrouvées, dans les mains des plus riches comme des plus pauvres, est fascinant. Retracer le parcours de ces morceaux d’histoire est véritablement réjouissant. Quant au Livre du roi à proprement parler, l’enquête qui le vise est passionnante et nous entraîne notamment dans un Berlin encore rudement touché par la fin de la seconde guerre mondiale, dans le monde feutré et confidentiel de la vente d’objets d’art et de manuscrits anciens, où tout se conclut par bouche à oreille, et avec discrétion. L’intrigue vire même au thriller, et nos deux amis manquent plus d’une fois de se retrouver pris au piège.

Quel drôle de duo que celui formé par Valdemar et le professeur ! Le premier est naïf, et très jeune, facilement apeuré, souvent geignard. On a vu des narrateurs plus charismatiques ! Pourtant, cet aspect de sa personnalité fait office de contrepoint parfait à celle du professeur, une tête brûlée qui n’hésite pas à faire fi des conventions pour « le bien commun ».  Valdemar est bien souvent la voix de la raison et, même s’il est souvent agaçant, ses diverses remarques et récriminations sont tout à fait nécessaires à l’intrigue. Quant à l’impulsivité du professeur, elle est réjouissante : elle donne lieu à des dialogues qui frôlent parfois l’absurde, et c’est vraiment très chouette à lire. Les personnages sont cependant très caricaturaux en règle générale : la figure du professeur paternaliste, l’étudiant en quête de modèle, le méchant très méchant, avec un passé nazi très chargé…

En somme, Le Livre du roi est un roman à mi-chemin entre le roman historique et le thriller : une quête bibliophile intéressante, à découvrir dès maintenant en format poche !

Le Livre du roi, Arnaldur Indridason. Points, novembre 2014. Traduit de l’islandais par Patrick Guelpa.

Par Emily Vaquié

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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