On peut être né dans la même famille et choisir des chemins totalement divergents à l’âge adulte. Les trois frères Hanway sont nés le même jour, à la même heure, à un an de distance chacun. Cette coïncidence rare et incroyable aurait pu les rapprocher. La tragédie qui les frappe dans l’enfance – la disparition de leur mère, dans l’indifférence générale – aurait dû les souder pour la vie. Mais dès la fin de l’adolescence, dès que possible, les deux aînés quittent la maison sans se retourner. L’un grimpera les échelons un par un dans le milieu de la presse, en partant de l’emploi le plus simple et le moins qualifié. Rongé par l’ambition, il n’aura pas un regard en arrière pour son père et ses frères. Le deuxième entamera une brillante carrière universitaire. Sam, le petit dernier, ne voit pas aussi loin… contrairement à ses frères, l’ascenseur social ne l’intéresse pas. Il préfère sourire aux anges, vivre chichement, aider son prochain.
On n’aurait pu imaginer fratrie plus disparate. Le lecteur suit les trois frères à tour de rôle, dans le Londres des années 50 à 70, jusqu’à ce qu’un meurtre les réunisse brusquement à l’âge adulte. Ce meurtre, à vrai dire, arrive comme un cheveu sur la soupe, et n’est pas l’aspect le plus intéressant du récit. Ce qui est fascinant dans le roman de Peter Ackroyd, c’est cette plongée sans concession dans le milieu de la presse londonienne, dans les arcanes du pouvoir. Harry, l’aîné, le journaliste du trio, est le témoin des magouilles politiques du gouvernement. Partagé entre éthique journalistique et ambition, il découvre comment la presse peut être muselée aisément, comment l’argent et le pouvoir triomphent facilement de la vérité. Puis passent les idéaux de jeunesse, au profit d’un pragmatisme adulte un peu déprimant. Peter Ackroyd nous plonge également dans le monde universitaire, en plein cœur des rivalités entre professeurs. Le lecteur observe les petites piques que tout ce beau monde s’envoie : ça se tire dans les pattes, mais ça n’hésite pas à se lécher les bottes au besoin. Enfin, une petite virée dans le Londres gay est également au programme.
La première partie du roman, très détaillée et très maîtrisée, nous plonge dans le destin de ces trois frères, avant que Peter Ackroyd ne commence à préparer le terrain pour le fameux meurtre politique évoqué dans le résumé du roman. Cette deuxième partie est malheureusement bien moins réussie. On perd presque de vue nos trois frères au profit des magouilles et des histoires d’argent sale qui auraient pu ne rester qu’esquissées. La fin semble de fait irréaliste, de même que le retour sur scène d’un personnage longtemps mis de côté par l’intrigue. Trois frères est donc un roman quelque peu frustrant : plein de promesses de prime abord, le roman égare un peu son lecteur par la suite.
J’ai eu le même ressentiment : une belle promesse, une réalité un peu décevante !
En fait j’aurais aimé un beau gros pavé, un peu à la Dickens, avec une plongée dans le Londres sordide qui contrasterait avec un monde des affaires certes plus classe, mais tout aussi mauvais… Je trouvais qu’il avait la matière, et qu’il traite un peu son sujet par dessus la jambe, dommage !
J’aurais bien aimé quelque chose de plus développé, effectivement ! Rencontre ratée, dommage !