Bulles & Blues est la quatrième collaboration entre Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini, et le troisième volet de leur série en cours. Le projet ? Décrire, via des romans graphiques, la vie d’une classe de collège au travers de thèmes forts. Après Rouge Tagada (qui traite de l’homosexualité) et Mots rumeur, mots cutter (qui évoque le harcèlement scolaire), les auteurs s’intéressent avec Bulles & Blues à une ado mal dans sa peau.
Soan et Chloé sont aussi proches que peuvent l’être des « frères et sœurs recomposés ». Chloé a d’ailleurs toujours pensé que cette fratrie bricolée était une bénédiction, et que Soan était son âme sœur. Jusqu’au jour où… Soan étant de plus en plus distant, Chloé essaie d’en savoir plus. Et c’est le choc. Soan ne veut plus traîner avec elle, lui parler, ou simplement se trouver dans la même pièce, car elle est « un boulet » qui l’insupporte.
En silence, Chloé souffre. De l’attitude de Soan, de ce qu’elle considère comme sa propre médiocrité, des injustices perpétuelles dont est le témoin silencieux au collège et, quelque part, la complice passive. De jeune fille espiègle et bien dans sa peau, elle devient terriblement mélancolique, ne sait plus où se situer. Mais c’est ce regard extrêmement critique envers elle-même qui va la forcer à regarder vraiment autour d’elle.
Avec ce troisième instantané tiré d’une photo de classe, Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini signent, à nouveau, un album fort et sensible. Les illustrations, très colorées, viennent souligner, appuyer, ou adoucir le triste réalisme de l’histoire. Le parti-pris est très intéressant puisque, aux côtés de la narration illustrée, sont servis de très larges extraits du journal intime de Chloé, eux-mêmes illustrés. Afin de ne pas mélanger les styles, c’est le jeune Léo Sapolsky qui a prêté son trait aux illustrations de la main de Chloé.
On suit sans peine la lente déprime de Chloé : c’est bien mené (y compris la prise de conscience un peu chaotique du début) et, comme on l’a dit, très réaliste. Difficile de ne pas compatir à la peine de la jeune fille.
Chloé grandit, et ce n’est pas très agréable ; elle éprouve sa relation aux autres, qu’il soient adultes (ses parents, les professeurs, ou autres membres du corps enseignant), ou de son âge (son frère et ses camarades), mais aussi à elle-même. Un apprentissage difficile, mais merveilleusement mis en mot et en illustrations !
Si le mal-être adolescent est le centre de cette histoire, on retrouve des échos des autres volumes, notamment de Mots rumeurs, mots cutter, puisque le thème du harcèlement revient dans ce volume – mais les histoires peuvent parfaitement être lues indépendamment.
Bulles & Blues vient donc poursuivre une série de grande qualité. Mené par un auteur aux textes toujours aussi justes, et deux illustrateurs talentueux, c’est un album que l’on dévore. Touchant, sensible, voilà un roman graphique qui reste longtemps en mémoire et qu’il faudrait mettre entre toutes les mains adolescentes – comme les deux autres volumes, du reste.
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