Vous avez peut-être vu les affiches qui ont précédé la sortie du roman de Caroline Solé où l’on pouvait apercevoir une pyramide de Maslow colorée accompagnée du slogan « Toi aussi, joue ta vie ». Étonnant point de départ pour un roman coup de poing !
La pyramide de Maslow, la plupart des étudiants en sociologie ou en économie en ont entendu parler. Pour le reste des lecteurs, c’est peut-être moins évident. Maslow partait du principe que l’être humain a des besoins particuliers, classés en cinq catégories : physiologiques, de sécurité, d’amour, de reconnaissance et de réalisation. On ne se préoccupe d’une catégorie de besoins que lorsque l’on a assouvi ceux de la catégorie précédente. Caroline Solé joue avec ce concept et en tire l’idée d’un jeu de téléréalité particulièrement bien ficelé, qui surfe sur les réseaux sociaux et la popularité virtuelle. C’est brillant et terriblement actuel.
Les producteurs de l’émission avaient tout prévu, tout orchestré, sauf peut-être la participation de Christopher Scott. Christopher vit dans la rue. Officiellement, il a dix-huit ans, officieusement, il est bien plus jeune que cela. La faim, la froid, la crasse, la peur, il connaît, c’est son quotidien. C’est un peu par hasard qu’il s’inscrit à La pyramide des besoins humains. Et rapidement, Christopher rencontre un succès fou, sous le couvert de son anonymat. La toile s’emballe, les médias ne parlent plus que du jeu, et de ce candidat polémique qui se fait le porte-parole d’une jeunesse démunie, perdue, abandonnée.
La voix de Christopher est forte, lucide, sans pathos inutile. Il décrit son quotidien avec beaucoup de réalisme et de justesse, évoque parfois son passé, sa famille, par petites touches. Le jeu le fascine et l’horrifie tout à la fois : même si parfois, il se dit qu’il va arrêter de participer, replonger dans sa triste routine, il ne peut s’empêcher de retourner en ligne où il assiste, impuissant, à l’explosion de sa popularité virtuelle. Caroline Solé aborde aussi bien les dérives de la téléréalité que le pouvoir du buzz et de l’emballement médiatique, elle parle également des adolescents sans-abri et décrit sans concession un monde où tout se vend, tout s’achète. C’est un roman très fort, qui sonne juste et fait réfléchir. Indispensable à l’heure du triomphe de la téléréalité et de la viralité des réseaux sociaux…
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