HORREUR — On ne présente plus Stephen King: vous avez lu ses livres ou, tout du moins vu les adaptations. Sans même vous en rendre compte, vous êtes influencé par ses histoires. Pourquoi, d’ailleurs, avez-vous peur des clowns ? Avant même de lire Ça, ils vous mettaient mal à l’aise, et on sait bien à quoi on doit cette peur. Des mésaventures du club des ratés.
1957, à Derry, une petite ville de Nouvelle-Angleterre. Lorsque le petit Georgie sort jouer avec un bateau malgré la pluie battante, il ne se doute pas qu’il sera la première victime du nouveau cycle de « ça », qui frappe Derry tous les vingt-sept ans. « Ça« , car ça relève du domaine de l’indicible, avec en guest star une créature atroce, la peur incarnée, qui dévore les petits enfants. Bill le bègue, le frère de George, et ses six amis Richie, Eddie, Ben, Beverly, Mike et Stan seront peut-être l’unique rempart contre le mal
Vingt-sept ans après l’été 1958 qui vit l’affrontement de Ça et des enfants, chacun des ratés, comme ils s’appellent, reçoit un coup de téléphone de la part de Mike, le seul demeuré à Derry. Au nom d’une ancienne promesse, ils se réunissent de nouveau dans la ville de leur enfance car Ça a recommencé, Ça est de retour.
Cette saga de Stephen King est considérée par beaucoup comme son oeuvre la plus aboutie, la plus complexe, la plus vaste. Stephen King, en effet, parvient à tenir son lecteur en haleine sur environ 1 500 pages, grâce à un habile va-et-vient entre le passé et le présent des protagonistes, jusqu’à la fin où présent et passé semblent se superposer. Outre cet exploit, Stephen King joue avec brio sur nos peurs les plus irrationnelles : certains passages semblent nous transmettre la tension et la peur des personnages. Il n’y a pas à dire, on s’y croirait. A éviter de lire de nuit.
Stephen King parvient à créer une ville entière, avec ses habitants, ses quartiers, ses catastrophes. Derry n’a aucune réalité historique, pourtant, au fil des pages, la ville semble sortir de terre : King a su lui créer une histoire, assez sanglante par ailleurs, et une géographie. Derry est une ville effrayante, où certaines règles, à la fois de bon sens, et de la nature, ne semblent pas avoir cours. C’est dans cette ville qu’ont grandi nos sept héros. Chacun est unique dans son genre et plutôt attachant, bien qu’au début l’on confonde un peu tous les noms. Aucun ne sort pourtant vraiment du lot, à part peut-être « Grand Bill », qui fait office de chef de clan et Beverly, l’unique fille du groupe, dont la relation avec les garçons est plutôt ambiguë. Ça est peut-être le roman de l’enfance et de l’amitié, mais il traite également des premiers émois, et de l’éveil de la sexualité.
C’est un roman sur l’enfance, mais qui a clairement été écrit pour des adultes car ce livre est d’une violence extrême, qui ne trouve pas forcément sa source dans le fantastique. Si l’on occulte les méfaits de Ça, il reste ceux d’Henry, la petite brute qui plonge progressivement dans la folie, et de ses camarades, qui transforment le bizutage en véritable chasse à l’homme. Mais Stephen King ne se contente pas de montrer la violence dont même les enfants sont capables, il évoque le racisme dans ses dérives les plus atroces, ainsi que l’homophobie, dépeint des femmes battues et des pères lubriques. Il creuse profondément le psychisme de ses personnages. Cette violence que l’on sent latente en n’importe qui est probablement plus effrayante que Ça, pourtant l’incarnation de nos peurs d’enfant.
On aime, évidemment. Malgré un volume important, peut-être trop, Ça se lit très vite, car l’on a hâte que se reconstitue le puzzle, car effectivement, l’on ne peut contempler le tableau d’ensemble qu’à la fin du livre, grâce à des retours en arrière. On a un coup de cœur pour les personnages et pour l’histoire de cette ville maudite. Le seul bémol que l’on trouve à cette lecture se porte en réalité sur la fin, où comme dans Désolation on se demande ce qui s’est passé dans la tête de l’auteur, et si d’ailleurs, il ne l’avait pas perdu (la tête !).
Ça, Stephen King. Le livre de poche (deux tomes), 2002. Traduit de l’anglais par William Desmond.
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