Sous l’aile du corbeau n’est pas un roman facile, une histoire que l’on lirait pour se détendre, de celle dans lesquelles on se glisse aisément : il faut prendre le temps d’apprivoiser les personnages principaux, deux marginaux, et le décor, une forêt dans laquelle il est aisé de se perdre, de s’égarer, peut-être pour toujours. La forêt se fait tantôt bienveillante, tantôt menaçante. Elle éveille des souvenirs, mais sait vous ramener – parfois brusquement – au présent. C’est un personnage à part entière, qui domine le récit de son ombre.
C’est une chasse à l’homme que nous conte Sous l’aile du corbeau : au sein de la forêt, les personnages se cherchent, se traquent, se croisent parfois, se battent même. Un fermier qui a perdu sa maison dans un incendie, un médecin rongé par l’alcoolisme, un chef Indien, les étranges frères Duff… Ce sont autant de personnages énigmatiques qui s’enfoncent dans la forêt et échangent parfois leur rôle : de chasseur, on devient parfois chassé, et la proie prend parfois le dessus sur son prédateur. Dans la forêt, tout peut basculer en un instant. En un claquement de doigts…
Servi par un maître du nature writing, ce courant littéraire qui rend hommage aux magnifiques paysages d’Amérique du Nord, Sous l’aile du corbeau déroute et étonne, de par un style plein de caractère, mais parfois justement un peu trop brut de décoffrage : le lecteur doit s’accrocher s’il veut suivre. Sa lecture doit être active, attentive : si vous attendez de l’auteur qu’il vous guide de bout en bout sur des sentiers balisés, passez votre chemin. Le résultat est assurément déconcertant : il est difficile de s’attacher pleinement aux personnages, mais l’on vit pleinement la tension du récit et les descriptions font de la forêt plus que le simple théâtre des événements : nous y sommes totalement, pour le meilleur et pour le pire.
Soyez le premier à commenter