Aya Kanno poursuit sa réinterprétation du Richard III de Shakespeare, explorant de plus en plus profondément la souffrance, la folie et la noirceur de ses personnages !
Richard, impatient de voir son père sur le trône, l’avait encouragé à prendre les armes afin qu’il s’oppose à la couronne d’Angleterre. Mais Marguerite d’Anjou, l’épouse du faible roi Henri VI, ne compte pas accepter la défaite avec le sourire. Elle lève des troupes et mène une fulgurante contre-attaque … et l’emporte. Les York sont à nouveau sur la sellette…
L’histoire s’emballe mais Marguerite d’Anjou ne fléchit pas : aussi dure et cruelle que son mari est doux et pacifique, la reine écrase d’un coup de talon Richard d’York. La scène est dantesque, fait froid dans le dos et établit le ton de ce nouvel opus : pas de quartier.
Aux côtés de cette reine sanguinaire – parfaite illustration de la déesse vengeresse et sans pitié – les autres Lancaster font pale figure. Le fils, Henri, est bien effacé et, malgré tous ses efforts pour percer le secret de Richard, il peine à passionner. Le père, de son côté, semble de plus en plus enfermé dans sa bulle. Autant on aimerait que la reine se modère un peu, autant on apprécierait que le roi, lui, se mette à faire quelque chose ! Mais cet aspect très éthéré correspond tout à fait à la drôle de relation qui unit Richard (fils) au roi ; l’auteur maintient une certaine ambiguïté sur ces deux personnages, dont on ne sait parfois dire s’ils ont une relation fraternelle, ou tout simplement malsaine – aspect qui participe évidemment du suspense ambiant.
Côté suspense, on est servis : la Guerre des deux Roses fait rage et il est difficile de savoir qui va l’emporter (même quand on connaît l’histoire). La partie est très serrée, les péripéties s’enchaînent à bon train et on ne sait parfois plus sur quel pied danser ! A cet arc narratif s’ajoute celui concernant Richard lui-même. Apprenant l’issue funeste de la bataille qui ouvre cet épisode, le jeune homme fonce à bride abattue vers les siens, quitte à passer au travers des rangs ennemis… en s’y taillant un passage dans le vif. Page après page, Richard sombre dans une folie qui laisse s’exprimer sa sauvagerie et sa noirceur… et ce n’est pas beau à voir. D’ailleurs, plus les chapitres défilent, plus l’esprit de Jeanne d’Arc – traité jusque-là par Richard comme un vague désagrément – se fait présent et pressant, comme pour signaler à quel point Richard change. Comme un fait exprès, le trait d’Aya Kanno se fait d’ailleurs de plus en plus incisif et de plus en plus sombre, soulignant la lente descente aux enfers du jeune homme.
Si la Guerre des deux Roses semble s’achever avec le volume, l’auteur introduit inopinément un autre personnage de l’époque, future reine consort… ayant ainsi tout intérêt à faire tomber la tête d’Edouard. Le suspense est donc relancé : on a hâte de savoir comment l’affaire va tourner et comment Aya Kanno va continuer de tordre l’Histoire et la pièce de Shakespeare pour créer sa propre histoire !
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