
Ressources inhumaines, un des soixante-huit premiers romans de cette rentrée littéraire 2015, nous immerge dans l’univers froid et pragmatique des grandes surfaces, un monde que l’on pense connaître mais, qui, en réalité, nous réserve bien des surprises. Alors que nous arpentons la surface de vente, en poussant vaillamment un caddie, nous sommes bien loin de nous douter ce qui se trame en coulisses. Frédéric Viguier nous ouvre les portes d’un monde aseptisé, d’une violence policée, mais bien réelle.
Ressources inhumaines comporte deux parties : la première voit l’ascension fulgurante, presque trop rapide, du personnage principal, une jeune femme, au sein du rayon textile d’un hypermarché. Embauchée comme simple stagiaire, notre héroïne, dont le prénom restera inconnu, gravit très rapidement les échelons, à coup de manipulations : comme le disent plusieurs personnages, « elle a tout compris ».
Elle a tout compris, oui. L’héroïne est ambitieuse, et attirée par l’odeur du pouvoir : elle sait quelles ficelles tirer, quelle partition jouer. Son premier mouvement ? Se glisser dans le lit du chef de secteur. Elle ne rechigne à rien pour s’élever… même pas à nuire aux autres. Pourquoi ce carriérisme implacable ? Elle se sent vide, creuse, et seule l’ivresse du pouvoir parvient à la faire se sentir vivante. Elle se décrit elle-même comme une « poche vide », à remplir.
La deuxième partie du roman s’ouvre avec une ellipse de vingt ans. Notre héroïne est chef de secteur dans l’hypermarché où elle a jadis débuté comme stagiaire. Mais quelque chose va la faire vaciller.
Le roman de Frédéric Viguier dépeint un monde particulièrement inhumain, où il n’y a pas de place pour les sentiments, perçus comme une faiblesse. Et un instant de faiblesse, le monde de l’hypermarché ne le pardonne pas. Les têtes dirigeantes de l’entreprise n’hésitent pas : ils licencient, mutent, dégradent leurs employés sans le moindre état d’âme. Dans les bureaux, on humilie sans vergogne. On aimerait croire que Frédéric Viguier exagère, qu’il forcit le trait : mais nos propres expériences, en tant qu’étudiants, dans le monde de la grande distribution, ont plutôt tendance à donner raison à l’auteur… Le monde de la grande distribution est impitoyable, presque cruel. Marche ou crève, en somme. Un premier roman caustique, et très réussi.
Ressources inhumaines, Frédéric Viguier. Albin Michel, août 2015.
C’est vrai que c’est pas du tout rose dans les grandes surfaces… J’ai travaillé pendant trois mois dans l’une d’elles et c’est vraiment ce que dépeint ton résumé
Je suis rarement attirée par les livres qui font partis de la rentrée littéraire mais là je suis bien tentée. Je prends note 🙂
Figure toujours dans ma liste de livres à lire,encore plus après vous avoir lu.