Nos âmes seules, roman d’une génération

ROMAN GÉNÉRATIONNEL — Première incursion dans le roman adulte pour Luc Blanvillain, habitué des rayons jeunesse, Nos âmes seules nous plonge dans la vie de Clément, jeune cadre dynamique de la Défense, qui essaie de piloter sa vie de la manière la plus optimale possible… jusqu’à ce qu’une rencontre la fasse dérailler.

Ambitieux, Clément l’est assurément : il sait où il va, ce qu’il veut et ce qu’il est prêt à faire pour l’obtenir.  Sa carrière chez Vogal Software est prometteuse, il connaît tous les codes, toutes les ficelles, et sa relation avec Myriam, belle et brillante, semble sans faille. Mais dès que l’on gratte un peu, on découvre que la vie de Clément n’a rien d’idyllique. Et cette vie de catalogue, est-ce vraiment ce qu’il veut au fond ? Il suffit d’une rencontre, une seule, pour que l’échafaudage clinquant vacille. Au détour d’un escalier de la tour où il travaille, Clément rencontre Meryl, la fille du patron : fragile et sensible, totalement dépourvue de but dans la vie, Meryl va devenir son amie, et remettre tout en question.

Nos âmes seules, Luc Blanvillain, Plon

Clément est un personnage froid et calculateur. Cependant, c’est terrible, car finalement, il nous semble plutôt représentatif de sa classe d’âge, de ces bac+5 formatés pour avoir les dents longues, désirant gagner sur tous les tableaux, sans attendre. Myriam, sa compagne, souffre du même syndrome : elle-aussi rêve du tableau parfait, composé d’un bon emploi, d’un joli appartement, d’un compagnon qui réussit, puis, d’un bébé aux joues bien roses. L’entreprise a déshumanisé ces deux personnages, la société en a fait des machines taillées pour la réussite. Mais heureusement, le processus n’est pas irrémédiable, et aux côtés de Meryl, Clément reprend vie, ose de nouveau dire non. Meryl, à l’inverse de Clément, a rejeté la pression de la société. Elle ne fait rien, ne veut rien. On pourrait la croire l’antithèse de Clément. Pourtant, les deux jeunes gens en viennent à devenir la bouée de sauvetage de l’autre.

Le roman de Luc Blanvillain est troublant, étonnant de réalisme. Troublant parce qu’au fond, on se reconnait en Clément, nous, ces membres de la si-vantée génération Y. Troublant, car on réalise en même temps que Clément à quel point il est seul, à quel point son ambition, son envie de plaire au patron a tout rongé autour de lui, à quel point les amitiés en entreprise peuvent être versatiles. Troublant, car on aimerait se dire qu’on peut réussir dans le monde des affaires en conservant son âme. Le malaise est palpable, tout au long du roman, l’ambiance est pesante, tendue. L’anxiété de Clément suite des pages, et le lecteur la fait sienne aussitôt. Luc Blanvillain a su saisir l’essence même d’une génération de cadres parisiens, et ça nous donne un peu le tournis. Une belle réussite.

Nos âmes seules, Luc Blanvillain. Plon, 2015.

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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