NOUVELLES — En mars prochain sortira en salles Brooklyn, adaptation du roman éponyme de Colm Tóibín, dont l’actrice principale, Saoirse Ronan, est d’ailleurs nominée aux Oscars. C’est l’occasion rêvée de retrouver en librairie La Couleur des ombres, autre titre de l’auteur.
La Couleur des ombres est un recueil de nouvelles qui nous entraîne principalement en Irlande et en Espagne, avec une très brève incursion aux Etats-Unis. Les personnages semblent tous hantés par leur passé : c’est un recueil qui parle de deuil, des souvenirs et du retour (parfois impossible) à la maison.
« La Couleur des ombres », la nouvelle qui donne son titre au recueil, est probablement une des plus touchantes : on dit souvent que les recueil de nouvelles sont inégaux. C’est particulièrement vrai de La Couleur des ombres : certains des textes peinent à nous émouvoir quand d’autres nous fascinent. « La Couleur des ombres » nous plonge dans l’univers des maisons de retraite, nous fait pénétrer dans les vieilles maisons de famille qu’il faut vider lorsque un ancêtre s’éteint. Paul doit faire face au déclin de sa tante bien aimée, qui n’est plus capable de vivre seule. Le voilà obligé de la placer, quand bien même il sait que la vieille dame le vivra très mal. C’est juste déchirant de voir cet homme, impuissant, qui assiste à effondrement de la femme qui l’a élevé. L’unique préoccupation de cette femme, à l’heure de sa mort, est de s’assurer qu’elle est bien la plus importante dans le cœur de son neveu, plus importante que sa mère, une mère absente, indigne, décevante.
Décevants : les parents de Carme, le personnage principal de « La Nouvelle Espagne », le sont tout autant. Après des années d’absence, Carme revient dans la maison de famille, une belle propriété située à Minorque. Elle découvre que tout a changé. Envolée, la vue sur la mer. Envolé, le calme. Les touristes ont pris d’assaut l’île, avec la complicité de ses parents, qui ont tout permis : la construction de bungalows entre leur maison et le front de mer ou encore la vente des précieux meubles de la grand-mère… Au sein de sa propre famille, Carme se sent étrangère, dans une maison dont elle possède pourtant la moitié : son passé communiste en fait le vilain petit canard de la famille. Un éclat de voix, et la guerre est soudain déclarée entre Carme et sa mère. La mère est ici une figure excessive, prompte au drame, aimant les gestes théâtraux. Colm Tóibín touche juste, on se sent tellement en phase avec Carme que c’en est douloureux.
Mais la nouvelle la plus réussie, la plus aboutie, est probablement la toute dernier, « La rue ». Malik, un jeune Pakistanais, vit clandestinement à Barcelone. Il loge avec d’autres Pakistanais dans une chambre, et travaille dans un salon de coiffure. Il tombe amoureux d’un de ses colocataires, plus âgé. Un jour que les deux hommes se laissent aller à leur attirance, leur patron les surprend et les bat terriblement. Le récit de « La rue » est sensible et touchant. L’histoire de Malik et de son amant est finalement d’une grande pureté. Elle clôt le recueil comme une apothéose…
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