CALIFORNIE — Un veuvage, et une grande maison californienne pleine d’animaux empaillés : tel est le point de départ de Magnificence, le nouveau roman de Lydia Millet, paru récemment au Cherche-Midi. Avec un tel pitch, le lecteur pense à mille et unes choses, parmi lesquels notre bon vieux Norman Bates, le fils aimant de Psychose.
Il faut avouer que l’ancien propriétaire de la maison dont hérite Susan, l’héroïne, avait l’air d’être lui aussi un chouette hurluberlu. « L’ancêtre », comme elle prend l’habitude de le surnommer, a semble-t-il été un célibataire endurci, doublé d’un collectionneur compulsif, obsédé par la chasse et la taxidermie. Quand, veuve depuis peu, et hantée par le fantôme de son mari, dont elle s’estime responsable de la mort, Susan emménage dans cette immense demeure, qui tient plus du manoir que du pavillon de banlieue californien, elle envisage tout d’abord de se débarrasser de ces carcasses empaillées, d’un mauvais goût consommé. Mais les animaux semblent posséder une véritable âme, et une présence hypnotique, et Susan accepte finalement de les laisser en place, avant d’admettre qu’elle s’y ait attachée, allant jusqu’à les faire restaurer.
L’histoire de l’ancêtre et de sa maison sont le véritable fil rouge du roman, bien que le veuvage de Susan fasse l’objet de nombreuses pages. Ses considération sur les hommes et les femmes, les circonstances de la mort de son époux, et les premières pages suivant ce décès peuvent déstabiliser le lecteur au point de lui faire envisager d’abandonner la lecture… Pourtant, si on persiste, on finit par ne plus pouvoir lâcher le roman, en réalité dès l’arrivée de Susan dans la maison de l’ancêtre. Bientôt, aux bêtes empaillées s’ajoute un nouveau mystère : un sous-sol gigantesque figure sur les plans, mais aucune porte ne semble y mener. Existe-il toujours, et si oui, que cache-t-il ?
Il y a une beauté étrange dans les mots de Lydia Millet : indéniablement un roman à ambiance, Magnificence fascine et joue avec nos attentes. La description de cette maison est extraordinaire, elle est très visuelle, sans jamais pourtant entraver l’imagination du lecteur qui reste libre de tout se figurer à sa sauce. Dans cette maison hantée par la présence de son étrange ancien propriétaire, Susan peut se réinventer, se débarrasser de son identité d’épouse et de mère pour redevenir elle-même, quand bien même les manigances des cousins ou l’inconséquence de son nouveau gendre constituent de sérieuses entraves. Magnificence s’avère donc un roman étonnant, très déconcertant mais pourtant étrangement lumineux : il aurait pu s’appeler Fascination, si le titre n’avait pas déjà été pris par une certaine Stephenie Meyer.
Magnificence, Lydia Millet. Le Cherche-midi, 2016. Traduit de l’anglais par Charles Recoursé.
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